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Le président soudanais Béchir, la fermeté face aux manifestations

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Le président soudanais Béchir, la fermeté face aux manifestations

Au pouvoir depuis près de trente ans, le président soudanais Omar el-Béchir est bien déterminé à ne pas céder face aux manifestations qui réclament sa démission.

Le Soudan est secoué depuis le 19 décembre par un mouvement de contestation inédit depuis la prise de pouvoir en juin 1989 de M. Béchir.

Face à ce mouvement qui ne faiblit pas, le président, âgé de 75 ans, a annoncé vendredi le limogeage du gouvernement et des instances dirigeant les provinces du pays et décrété l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire pour un an.

Selon un bilan officiel, au moins 31 personnes ont été tuées depuis le début du mouvement provoqué par la hausse du prix du pain, dans une économie dévastée par la crise. L’ONG Human Rights Watch fait état d’au moins 51 morts, dont des enfants.

Ce n’est pas la première fois que M. Béchir est confronté à une opposition de la rue: des manifestations avaient eu lieu en 2013 et en 2017.

Mais pour les experts, la mobilisation actuelle représente le plus grand défi auquel il fait face.

Ce militaire de carrière a longtemps défié la Cour pénale internationale (CPI), basée à La Haye. En 2009, celle-ci a lancé un mandat d’arrêt pour crimes de guerre et contre l’humanité au Darfour, une région de l’ouest du Soudan meurtrie par les violences, avant d’ajouter en 2010 l’accusation de génocide.

– Infatigable –

Ces mandats d’arrêt ne l’ont cependant pas empêché de voyager à l’étranger, principalement dans des pays de la région.

En décembre 2018, il s’était notamment rendu à Damas pour y rencontrer Bachar al-Assad, devenant le premier chef d’Etat arabe à aller en Syrie après l’éruption du conflit en 2011.

Sous sa présidence, le Soudan a par ailleurs rejoint la coalition menée par l’Arabie saoudite qui intervient depuis 2015 au Yémen contre les rebelles Houthis, contribuant à renforcer ses liens avec les pays du Golfe.

Depuis le début des manifestations, M. Béchir s’est adressé à plusieurs reprises à ses partisans, promettant le développement économique et la paix dans le pays et refusant de céder le pouvoir.

Non seulement il ne semble pas prêt à quitter le pouvoir mais il compte même briguer un 3e mandat en 2020 après avoir été élu deux fois président dans des scrutins boycottés par l’opposition, en 2010 et 2015.

Né en 1944 dans une famille de Hosh Bannaga, village à une centaine de kilomètres au nord de Khartoum où il demeure très populaire, Omar Hassan Ahmed el-Béchir est fasciné dès son plus jeune âge par la carrière militaire.

Il a combattu Israël aux côtés de l’armée égyptienne durant la guerre israélo-arabe de 1973.

Le 30 juin 1989, le général Béchir et un groupe d’officiers renversent le gouvernement démocratiquement élu de Sadek al-Mahdi. Ce coup d’Etat est appuyé par le Front islamique national, le parti de son mentor Hassan al-Tourabi, décédé en 2016 après être devenu l’un de ses pires opposants.

Sous l’influence de Tourabi, il oriente le Soudan –pays morcelé en une pléthore de tribus et alors divisé entre le nord majoritairement musulman et le sud peuplé de chrétiens– vers l’islam radical.

Khartoum devient la plaque tournante de l’internationale islamiste, accueillant notamment le chef d’Al-Qaïda, Oussama ben Laden, avant de l’expulser en 1996 sous la pression des Etats-Unis.

A la fin des années 1990, Béchir tente de se démarquer de l’islamisme radical et d’améliorer ses relations avec ses adversaires et voisins.

Mais en 2003, lorsqu’il lance ses troupes contre la rébellion au Darfour, il se retrouve de nouveau isolé.

– “Position affaiblie”-

En 2005, il signe l’accord de paix avec les rebelles du Sud qui ouvre la voie à un partage du pouvoir et à un référendum sur l’indépendance de cette région, où sont concentrées les réserves pétrolières. Celle-ci deviendra en 2011 l’Etat du Soudan du Sud.

Au fil des ans, M. Béchir consolide son pouvoir grâce notamment à ses liens étroits avec l’armée, et le Parlement lui octroie de plus larges prérogatives.

Outre les conflits, il fait face à une économie au bord de la faillite, alors que les Etats-Unis imposent en 1997 au Soudan un embargo économique. L’embargo est finalement levé en 2017, mais sans déboucher sur les bénéfices escomptés.

Depuis l’indépendance du Sud, le pays souffre notamment de la perte des trois quarts de ses ressources pétrolières –et des revenus tirés de leur vente.

En dépit de sa longévité au pouvoir, les analystes s’interrogent sur les capacités de M. Béchir à relever le défi des protestations actuelles.

“Les manifestations ont affaibli sa position”, estime Khalid Tijani, de l’hebdomadaire économique Elaff.

Crâne dégarni, large moustache et silhouette enrobée, M. Béchir a deux femmes mais pas d’enfant.