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Le rêve spatial de Wally Funk bientôt accompli, 60 ans après

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Le rêve spatial de Wally Funk bientôt accompli, 60 ans après
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“J’aime faire des choses que personne d’autre n’a faites.”

Wally Funk est sans aucun doute une pionnière. Mais aussi une femme patiente. Soixante ans après avoir rejoint un programme privé dans l’espoir de devenir un jour astronaute, cette pilote aguerrie réalisera enfin son rêve à la fin du mois.

Le milliardaire Jeff Bezos l’a choisie pour embarquer à ses côtés à bord du premier vol habité de sa société spatiale, Blue Origin, prévu le 20 juillet.

A 82 ans, cette boule d’énergie aux cheveux courts argentés deviendra du même coup la personne la plus âgée à voyager dans l’espace.

Et le symbole est fort: il récompense l’audace et la persévérance d’un personnage haut en couleur, à qui l’on avait pourtant assuré il y a longtemps que l’espace, ça n’était pas pour les femmes.

– “Mercury 13” –

Wally Funk a grandi à Taos, une petite ville de l’Etat américain du Nouveau-Mexique. Passionnée d’aviation, elle prend sa première leçon de vol à 9 ans. Au lycée, on lui interdit de prendre des cours de mécanique, réservés aux garçons.

Cela ne l’empêche pas d’obtenir sa licence de pilote, et de sortir diplômée de l’Université d’Etat de l’Oklahoma, connue pour son programme d’aviation. Elle compte aujourd’hui à son actif 19.600 heures de vol.

Au tout début des années 1960, elle intègre un programme novateur: les Etats-Unis se préparent alors à envoyer le premier Américain dans l’espace, dans le cadre du mythique programme Mercury. Des hommes ont été sélectionnés par la Nasa pour être soumis à des tests. Mais aucune femme.

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Un médecin ayant participé à l’élaboration de ces épreuves, William Randolph Lovelace, décide de les faire passer à des femmes dans sa clinique privée pour voir si elles aussi sont capables de les réussir. Elles seront 13 à le prouver — donnant ainsi son surnom au programme, “Mercury 13”.

Wally Funk est la plus jeune d’entre elles.

“Ils nous poussaient dans nos retranchements”, “j’ai enduré beaucoup de douleurs”, se rappelle-t-elle dans une interview datant de 1999, publiée par le service historique de la Nasa. Mais “cela me rapprochait de l’espace, et c’était là où je voulais aller.”

De l’eau est par exemple injectée dans ses oreilles, pour provoquer une sensation de vertige. Elle doit ingérer des tubes en caoutchouc. Lors d’un autre test, elle se retrouve enfermée dans une cuve à l’isolation phonique parfaite, remplie d’une eau à l’exacte température de son corps afin qu’elle ne sente plus rien, dans le noir.

“J’étais sur le dos, flottant dans cette eau, sans pouvoir utiliser mes cinq sens (…) je devais juste rester là allongée”, raconte-t-elle.

Elle bat le record en y restant 10 heures et 35 minutes.

Au final, “ils m’ont dit que j’avais fait le travail mieux et plus vite que n’importe lequel des hommes”, a-t-elle rappelé jeudi dans une vidéo publiée en ligne.

Malgré tout, le programme est arrêté: la Nasa n’en veut pas. Il faudra attendre 1983 pour que la première Américaine vole dans l’espace.

“C’était plutôt intéressant, le fait que nous aurions pu le faire, et qu’ils ne nous ont juste pas laissé. Un chien l’a fait. Un singe l’a fait. Un homme l’a fait. Les femmes aussi peuvent le faire”, déclare-t-elle en 1999.

– Inspectrice, enquêtrice –

Quatre fois, Wally Funk candidate pour devenir astronaute à la Nasa. Quatre fois, elle est refusée, notamment car elle n’a pas de diplôme d’ingénieur et n’a pas suivi un programme de vol sur un avion de chasse militaire — chose impossible pour une femme à cette époque.

Malgré tout, son ambition la pousse loin: elle devient la première inspectrice femme de l’agence américaine de l’aviation, la FAA. Puis la première enquêtrice femme de l’agence américaine en charge notamment des catastrophes aéronautiques (NTSB), pour laquelle elle traite plus de 450 accidents jusqu’à sa retraite, en 1984.

Au total, elle aura appris à voler à 3.000 personnes.

Elle vit désormais au Texas. Et n’a jamais abandonné son rêve d’apesanteur.

En 1999, interrogée sur sa plus grande réussite, elle répondait: si “je peux me rendre dans l’espace, ce sera ça.”