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L’Espagne et le Portugal frappés par une sécheresse historique

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L’Espagne et le Portugal frappés par une sécheresse historique

Fleuves quasi à sec, incendies mortels à répétition, agriculteurs désespérés… L’Espagne et le Portugal affrontent une sécheresse prolongée qui menace de devenir plus fréquente avec le changement climatique.

Depuis trois ans, il pleut moins que prévu sur les deux tiers de l’Espagne. Au Portugal, presque tout le territoire est frappé par la sécheresse depuis six mois consécutifs, ce qui n’était plus arrivé depuis 2005. Les agriculteurs sont touchés de plein fouet.

“C’est une situation ruineuse”, se désole José Ramon Gonzalez, petit éleveur de bovins de Galice, région du nord-ouest de l’Espagne.

Faute de pâture, il a dû acheter du fourrage dès juillet, quatre mois plus tôt que d’habitude, ce qui va lui coûter plusieurs milliers d’euros.

“Il y a des rivières, des sources qui sont asséchées et que ni moi qui ai 45 ans, ni mes parents, ni mes grands-parents, n’avions jamais vu s’assécher” dans cette région habituellement pluvieuse, raconte-t-il.

Au 31 octobre, l’entité gérant les assurances agricoles espagnoles, Agroseguro, recensait 1,38 million d’hectares de céréales, de tournesols ou d’oliviers touchés par la sécheresse ou le gel en Espagne, ayant occasionné un coût de plus de 200 millions d’euros en indemnisations.

“C’est comme quand vous êtes malade: vous vous sentez impuissant, vous ne pouvez rien faire. Ici, la maladie s’appelle sécheresse”, confie Vicente Ortiz, agriculteur et éleveur en Castille-La Manche, au sud de Madrid.

Il affirme que sa récolte de céréales a dégringolé de 70% par rapport à l’année dernière, et prévoit de récolter deux fois moins d’olives.

“De la culture des oliviers aux céréales, en passant par la vigne, toute l’agriculture souffre de ce manque d’eau dans notre région”, constate Fremelinda Carvalho, présidente de l’Association des agriculteurs de Portalegre, au centre du Portugal.

Et l’assèchement des cultures et des forêts favorise les incendies, qui ont fait 109 morts cette année au Portugal et cinq en Galice.

– Conflits pour l’eau –

Les retenues d’eau affichent des niveaux anormalement bas.

Au Portugal, 28 sur 60 étaient en octobre à moins de 40% de leur capacité totale. Ce week-end, une centaine de camions de pompiers ont commencé à transvaser l’eau d’un barrage vers un autre, 60 kilomètres plus loin, qui alimente la ville de Viseu.

En Espagne, les retenues d’eau du Tage, qui se jette dans l’Atlantique à Lisbonne, étaient le 13 novembre à moins de 40% de leur capacité moyenne. Celles du Douro, qui a son embouchure à Porto, étaient encore plus basses, et celles du Segura, qui irrigue d’immenses serres dans le sud-est de la péninsule, étaient tombées à 13% de leurs capacités.

Le groupe énergétique Iberdrola a aussi vu sa production d’hydroélectricité en Espagne chuter de 58% sur un an entre janvier et septembre et les prix de l’électricité sont repartis à la hausse.

Cela alimente des conflits entre agriculteurs et entre régions pour l’usage de l’eau.

Par exemple, l’aqueduc qui transvase l’eau du Tage vers le Segura, construit dans les années 1960 sous le dictateur Francisco Franco, est critiqué de toutes parts.

Antonio Luengo, directeur de l’agence de l’eau de Castille-La Manche, affirme que le Tage “ne peut pas le supporter”. Les eaux du Tage ont servi à développer dans le sud-est des cultures de fruits et légumes si intensives “que maintenant, il leur faut dessaler l’eau de la Méditerranée”, dénonce-t-il.

– Risques climatiques –

Et de telles sécheresses risquent de s’accentuer à l’avenir.

“Depuis 1980, l’Espagne montre des signes de changement climatique, qui se sont accentués depuis l’an 2000”, souligne Jorge Olcina, géographe à l’université d’Alicante.

“Le climat de l’Espagne (…) tend à avoir des caractéristiques plus subtropicales: températures plus élevées et pluies plus rares et plus intenses. Donc les risques climatiques liés aux températures (vagues de chaleur) et à la pluie (sécheresse et inondations) vont augmenter dans les prochaines décennies”, prévient-il.

Julio Barea, porte-parole de Greenpeace, dénonce, lui, “une très mauvaise gestion” de l’eau par le gouvernement espagnol. “Les sécheresses doivent se gérer quand nous avons de l’eau”, dit-il.

Il pointe les cultures et élevages intensifs trop gourmands en eau pour le climat méditerranéen, et l’irrigation d’arbres qui n’en ont pas nécessairement besoin, comme les oliviers ou les amandiers.

“Il faudrait construire davantage de barrages pour retenir l’eau quand il y en a”, a estimé pour sa part Mme Carvalho, la représentante des agriculteurs portugais de la région de Portalegre.

Les gouvernements ont débloqué des fonds pour dédommager les agriculteurs, mais pour ces derniers, la seule solution viendra d’un retour de la pluie.

“On regarde constamment le ciel”, lâche Vicente Ortiz.

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