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L’ONU relance l’aide transfrontalière en Syrie, réduite par Moscou

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L’ONU relance l’aide transfrontalière en Syrie, réduite par Moscou

Le Conseil de sécurité de l’ONU a réactivé samedi l’aide humanitaire transfrontalière en Syrie mais avec une nouvelle forte réduction imposée par la Russie à des Occidentaux impuissants, sur fond de vives tensions.

Au terme de sept scrutins en une semaine, il a adopté une résolution germano-belge permettant de continuer à utiliser à la frontière turque pendant un an le point de passage de Bab al-Hawa qui dessert la région insurgée d’Idleb, mais en supprimant celui de Bab al-Salam qui menait à 1,3 million de Syriens au nord d’Alep.

Douze pays ont voté en sa faveur, trois se sont abstenus: la Russie, la Chine et la République dominicaine qui a expliqué sa déception “qu’une fois encore le Conseil de sécurité ait été incapable de répondre collectivement et de manière constructive à l’une des plus grandes tragédies humanitaires actuelles”.

“C’est une bonne nouvelle pour des millions de Syriens (…) que le Conseil de sécurité ait pu finalement se mettre d’accord sur notre proposition de compromis”, s’est cependant réjoui dans un communiqué le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas.

Maître du jeu, Moscou n’a toutefois rien lâché, imposant sa volonté aux Occidentaux en leur infligeant un revers cuisant.

Lors d’une visioconférence après le scrutin, la Russie a parlé d'”hypocrisie” et de “maladresse” de l’Allemagne et de la Belgique dans la conduite des négociations, s’attirant des répliques acrimonieuses. Soutien de Moscou, la Chine a demandé de son côté à l’Allemagne de ne pas lui donner de leçons…

En vigueur depuis 2014, l’autorisation transfrontalière de l’ONU permet d’acheminer de l’aide à la population syrienne sans l’aval de Damas. Faute d’accord au Conseil, après deux doubles veto russo-chinois en trois jours (le 16ème pour Moscou et 10ème pour Pékin depuis 2011), elle avait expiré vendredi.

En janvier, le mécanisme avait déjà été sévèrement réduit par la Russie qui juge qu’il viole la souveraineté de son allié syrien. Il avait perdu un point d’entrée en Jordanie et un en Irak.

– Echec cinglant –

“La Russie contrôle ce processus”, relève Richard Gowan, du centre de réflexion International Crisis Group (ICG). Les veto de la semaine “ont été secondaires car, en définitive, la Russie allait toujours imposer une solution dans les termes” acceptés aujourd’hui, précise-t-il à l’AFP.

Pour l’ONG Human Rights Watch (HRW), Louis Charbonneau a aussi relevé que “les membres du Conseil de sécurité avaient donné à Moscou ce qu’il voulait – une nouvelle réduction drastique de l’aide transfrontalière à des Syriens désespérés qui en dépendent pour survivre”. Oxfam a fait part de sa crainte des limites posées à la “fourniture d’eau, de nourriture, d’abris et de soins de santé” pour des millions de Syriens.

De quatre points d’entrée l’an dernier, “nous sommes aujourd’hui à un alors que le nombre de vies en jeu dans le nord-ouest de la Syrie atteint des millions”, a convenu l’Estonie, membre du Conseil, tandis que la Belgique déplorait “une nouvelle journée triste pour ce Conseil et surtout pour le peuple syrien”.

Ces dernières semaines, Moscou avait expliqué à ses partenaires que le point d’entrée de Bab al-Salam était bien moins utilisé que celui de Bab al-Hawa. La Russie a aussi estimé que l’aide qui passe par un contrôle de Damas pouvait être augmentée pour la région d’Alep.

Des arguments rejetés par les Occidentaux qui considèrent qu’il n’y a pas d’alternative crédible au dispositif transfrontalier, et qui dénoncent les entraves faites par la bureaucratie et la politique syriennes à un acheminement d’aide dans les zones non contrôlées par Damas.

Pour le Royaume Uni, “le Conseil n’a eu d’autre choix que d’approuver une résolution qui ne répond pas aux besoins humanitaires du peuple syrien, qui réduit les accès humanitaires et met des vies en jeu”.

Alors qu’ils faisaient mercredi du maintien de deux accès en Syrie une “ligne rouge”, les Etats-Unis subissent aussi un échec cinglant. Après le vote, ils ont relevé que “la résolution n’était pas ce que le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres et des dizaines d’ONG opérant en Syrie avaient réclamé en suppliant le Conseil”.

Le chef de l’ONU se voit lui aussi infliger un sérieux revers. Dans un rapport en juin, il jugeait crucial un prolongement du mécanisme avec au moins deux points d’accès. Dans un communiqué samedi soir, il se borne “à prendre note” de la résolution, en qualifiant le dispositif transfrontalier en Syrie de “bouée de sauvetage”.

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