Barcelone a montré que le terrorisme islamique était loin d’être anéanti. La guerre sera longue et tous les moyens des Etats doivent être mobilisés dans la durée…
En France, le débat sur la pertinence de l’opération Sentinelle persiste, notamment alimenté par la sixième agression contre nos soldats depuis 2015 à Levallois-Perret. Cependant, l’opération Sentinelle doit être maintenue tout en évoluant pour l’intégrer comme un acteur à part entière d’une stratégie active contre l’islamisme radical.
Pourquoi Sentinelle est-elle utile et nécessaire ?
En préambule, il faut rappeler que l’opération Sentinelle a répondu au manque de personnels disponibles suite aux attentats de 2015 puis de 2016. En effet, malgré le discours sécuritaire affiché par les gouvernements successifs, les déflations dans la police et dans la gendarmerie menés ont retiré à l’exécutif les moyens de faire face à cette menace islamiste immédiate. Nos politiques sont bien responsables de cet état de fait et se sont trouvés bien démunis lorsqu’il a fallu réagir pour rassurer la population et combattre l’ennemi.
Aujourd’hui, l’opération Sentinelle doit remplir les rôles suivants :
- Un rôle dissuasif contre les terroristes en montrant que l’Etat est présent mais aussi par une présence active.
- Un rôle de « paratonnerre » qu’il faut assumer. Qu’attend-on des soldats sinon qu’ils protègent la population même au péril de leur vie ? Tout soldat – et tout autre symbole de l’autorité de l’Etat comme le policier – est une cible potentielle qu’il le veuille ou non. Comme ses proches, il doit en être conscient.
Faire évoluer la mission de l’opération Sentinelle
La mission de l’opération Sentinelle doit cependant évoluée. Il est temps de s’adapter au monde réel et d’avoir une stratégie d’action qui intègre les militaires dans la sécurité intérieure. Il faut sortir de la seule communication politique qui est d’afficher « tant d’hommes sur le terrain » pour rassurer les opinions, ce qui militairement n’a aucun sens.
Les armées fonctionnent en terme de mission – par exemple « sécuriser les lieux publics dans telle zone pour telle durée », mission qui, une fois reçue, leur permet de déterminer l’organisation et les moyens nécessaires à partir des forces disponibles et formées. Essentiellement terrestres, elles sont structurées en unités en vue des effets à obtenir.
En particulier, comme nous ne sommes pas en guerre « juridiquement parlant », il est désormais urgent de donner les moyens légaux aux forces armées pour mettre en œuvre cette stratégie d’action sur le terrain. Elles doivent disposer notamment d’officiers de police judiciaires, militaires formés pour cette fonction afin de compléter le dispositif policier. Cela signifie pouvoir contrôler les personnes et permettre le transfert devant la justice des « présumés » islamistes interpellés.
Pour conclure, lutter contre l’islamisme radical et le mode d’action terroriste implique que toutes les forces de l’Etat sont employées, en synergie, chacune dans leur domaine d’expertise. Cette stratégie d’action se définit dans le long terme et non dans l’improvisation et l’urgence permanente, situation qui laisse l’initiative aux terroristes.
L’opportunisme politique ne doit plus être la règle. L’attentat ne doit plus être le seul élément qui fasse réagir le politique. L’anticipation et l’action qui en découle visent à faire face aux prémices de ce qui peut apparaître comme une phase de préparation potentielle des djihadistes à la lutte armée sur le territoire national. Qui peut croire en effet qu’une partie de nos 18 550 radicalisés, bientôt formés par ceux qui reviennent de Syrie ou d’Irak, ne prendra pas les armes sous la forme d’actes terroristes et de guérilla ?
Enfin, et surtout, la population reste le fondement nécessaire pour le succès de cette stratégie. Elle doit être informée constamment sur cet ennemi intérieur, ses objectifs, ses modes d’action y compris subversifs, les signes de radicalisation. Elle doit aussi avoir confiance dans l’Etat et Sentinelle est là aussi pour cela.
Elle doit apprendre à faire face avec courage aux attentats inéluctables à venir et à prendre en charge en partie sa sécurité : vigilance, formation aux gestes de premier secours, participation aux forces de réserve, soutien aux forces de sécurité. Comme dans toute guerre intérieure, la victoire ne pourra pas être obtenue sans l’adhésion de la population dans son ensemble. Dans ce contexte, aucun « accommodement raisonnable » ne peut être accepté avec l’islamisme radical, même non violent.
Général (de réserve) François Chauvancy
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