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Martin Fourcade: “la saison dernière, c’était un peu de la science-fiction”

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Martin Fourcade: “la saison dernière, c’était un peu de la science-fiction”

“La saison dernière, c’était un peu de la science-fiction”, explique dans un entretien à l’AFP le biathlète français Martin Fourcade qui a fait des jeux Olympiques de Pyeongchang (9-25 février 2018) son “objectif prioritaire” cet hiver.

Q: Dans quelles conditions abordez-vous la saison?

R: “Je suis plutôt content de ce que j’ai fait en terme de travail mais j’ai vraiment besoin des premières courses de la saison pour savoir où j’en suis, pour arriver à me rassurer. C’est bien beau de savoir qu’on a bien travaillé dans son coin, j’ai besoin de voir concrètement que ce travail a payé pour avoir de la confiance.”

Q: Votre vécu ne vous aide-t-il pas à chasser ces doutes de début de saison?

R: “C’est aussi un souhait de ma part, de garder cette peur de mal faire, cette peur de ne plus être au niveau, pour me pousser à être rigoureux. Ce n’est pas le manque de confiance d’un cadet, c’est une alerte qui me dit que rien n’est gagné. J’ai des forces sur lesquelles m’appuyer mais le passé, c’est le passé. J’ai du mal à croire que je vais passer de la 1re à la 40e place mondiale mais entre un Top 5 et la victoire, ça va vite.”

Q: En cette saison olympique, avez-vous tout calé en vue des JO ou la Coupe du monde reste-t-elle également un objectif majeur?

R: “Les deux ne sont pas dissociés. J’ai besoin de la Coupe du monde pour les jeux Olympiques. J’ai du mal à croire que je puisse arriver aux JO en ayant fait une saison de Coupe du monde nulle ou sans repères et en me disant que je suis capable de gagner. Après, le classement général de la Coupe du monde n’est pas un objectif prioritaire. Si je suis en mesure de le gagner, je ne me gênerai pas. Mais l’objectif premier, ce sont les Jeux. S’il y a des choix de préparation à faire, des ajustements, ce sera en fonction des Jeux, pas du classement général de la Coupe du monde. En sachant qu’une Coupe du monde, c’est quelque chose d’unique dans une carrière, que si je gagne cette saison, je serais le seul à l’avoir gagné 7 fois. Je ne m’en priverai pas si je peux le faire et je ne vais pas cracher dessus.”

Q: Une saison record (14 victoires) comme la dernière est-elle envisageable?

R: “Je n’y pense pas. Parce que la saison dernière, c’était un peu de la science-fiction, c’est irréalisable. Je l’ai fait par magie, parce que tout s’est bien emboîté, que j’étais dans une forme optimale. Donc si je démarre moins bien que la saison dernière, ce ne sera pas une désillusion. L’an dernier en décembre, sur 10 compétitions, j’en ai gagné 9. C’était de l’ordre de l’irréel. J’ai conscience d’avoir fait quelque chose qui était fou, un peu sans m’en rendre compte moi-même, parce que tout a bien marché au bon moment. J’aurais pu avoir le même niveau et ne gagner que 8 courses sur la saison. Cela aurait déjà été inouï.”

Q: Le record de victoires d’Ole Einar Bjørndalen (95) vous trotte-t-il dans la tête?

R: “Non parce que je ne suis pas assez près. J’y penserai le jour où je serai à 90. Mais il y a encore du travail.”

Q: Cela dépendra aussi de votre longévité…

R: “Ces dernières saisons, j’ai à peu près gagné 10 courses par saison. Il m’en manque 30, cela fait 3 ans. Je me sens de faire ces 3 saisons. Mais c’est occulter que gagner 10 courses par saison, c’est déjà exceptionnel.”

Q: Vous serez le porte-drapeau de la délégation française aux Jeux. Qu’est-ce que cela représente pour vous et n’avez-vous pas peur de vous rajouter un surcroît de pression?

R: “Je n’ai pas peur de ça. Je peux foirer mes Jeux mais j’ai du mal à croire que ce sera parce que j’aurai porté un drapeau durant une demi-heure dans ma vie. J’ai accepté cela en mon âme et conscience. Si je m’en étais senti incapable, j’aurais dit non. En plus, je pense que ça peut être un avantage. Il y a quatre ans à Sotchi, j’avais mal commencé la compétition, j’étais tendu. Je me dis que lancer mes Jeux de manière émotionnelle avant la compétition, c’est aussi une façon de rentrer dedans et de ne pas arriver devant la ligne de départ en me disant: +Mes Jeux commencent maintenant+.”

Q: Vous avez sorti un livre il y a un mois (“Mon rêve d’or et de neige”). Pourquoi cette démarche?

R: “J’ai commencé à écrire il y a une dizaine d’années. A chaque fin de saison, je mettais sur papier ce qui m’avait pesé, les moments forts qui m’avaient marqué, sur lesquels on ne s’arrête pas en cours de saison parce qu’on a une course le lendemain, des jeux Olympiques à terminer. J’avais besoin d’exorciser ces moments, une sorte de psychanalyse rapide et d’aborder la saison suivante en ayant vidé tout ce que j’avais sur le coeur. C’est les trois-quarts du livre et le reste explique ces textes bruts.”

Q: Vous avez été promu récemment sous-lieutenant. Qu’est-ce que cela représente pour vous?

R: “J’ai commencé le ski jeune et jusqu’en 2008, ce sont mes parents qui m’ont financé. L’armée de terre m’a alors proposé d’intégrer l’équipe de France militaire de ski et sans leur soutien, au moment où les sponsors n’étaient pas encore là, je sais que cela aurait été compliqué de poursuivre. J’ai un respect immense pour l’institution et une dette parce que ce sont eux qui m’ont permis d’en arriver là. C’est pour ça que j’ai été très fier d’être promu lieutenant et d’être le premier sportif de haut niveau élevé au rang d?officier.”

Propos recueillis par Keyvan NARAGHI

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