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Mexique : dépénaliser la marijuana pour éradiquer la violence, le pari de l’ex-juge Olga Sanchez

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Mexique : dépénaliser la marijuana pour éradiquer la violence, le pari de l’ex-juge Olga Sanchez

Première publication :

La nouvelle ministre de l’Intérieur mexicaine ambitionne de légaliser la marijuana. Cette ex-juge de la Cour suprême, à qui l’on doit la libération de la Française Florence Cassez, espère ainsi rompre avec le narcotrafic qui gangrène le pays.

Couper l’herbe sous le pied des cartels. C’est l’ambition d’Olga Sanchez Cordero, nommée au ministère de l’Intérieur depuis le 1er décembre. En dépénalisant la marijuana, la juriste de 71 ans entend ainsi mettre fin au carnage des douze années de guerre contre les cartels de drogue lancées par Felipe Calderón et poursuivies par l’administration d’Enrique Peña Nieto, qui a coûté la vie à environ 200 000 personnes.

Depuis la victoire d’Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO) en juillet et son élection en tant que sénatrice, Olga Sanchez Cordero a multiplié les annonces choc : “Réguler et réglementer les problèmes de drogue [mais aussi] redéfinir les relations avec les États-Unis”. Juriste de formation, elle veut convaincre en arguant que la marijuana est “moins addictive” que l’alcool.

Séduits par ce virage à 360 degrés dans la lutte contre le narcotrafic, les Mexicains sont venus l’acclamer à la Feria du livre à Guadalajara, le 25 novembre. Un accueil que les médias locaux comparent à celui “d’une rock star”.

>> À voir : “L’Amérique au pied du mur”, un webdocumentaire de France 24

“Audace et témérité”

AMLO le sait : cette ancienne juge de la Cour Suprême est celle qui incarne le mieux “la quatrième transformation” promise durant sa campagne, la première étant l’indépendance en 1810, la deuxième la réforme laïque de 1857 et la troisième, la révolution de 1910. Premier président de gauche du Mexique, l’ancien maire de Mexico (2000-2005) a été élu avec 53 % des voix en promettant de refonder l’État national au service d’une société plus juste “pour le bien de tous, et d’abord des pauvres”.

Durant ces vingt années de magistrate à la Cour suprême de justice du District fédéral de Mexico (de 1995 à 2015), elle s’est illustrée dans la capitale en légalisant l’avortement et le mariage entre personnes du même sexe – fait rare dans un pays très catholique. Olga Sanchez Cordero – qui a aussi marqué l’histoire en devenant en 1984 la première femme à devenir notaire à Mexico – se révèle “par son audace et sa témérité”, atteste son collègue, Gerardo Laveaga, sur un site d’avocats spécialisé.

Libération de Florence Cassez

L’affaire Mariana Lima, cette Mexicaine retrouvée morte chez elle en 2010, marque à jamais son engagement pour lutter contre les violences faites aux femmes. À l’époque, le procureur général de l’État de Mexico conclut, dans un premier temps, à un suicide. Sous l’impulsion d’Olga Sanchez, la Cour suprême ordonne au parquet, de reconnaître ses manquements dans le dossier et de rouvrir l’enquête en prenant compte des éléments à charge contre le mari de la victime. Une décision historique qui a ouvert la voie à la mise en place d’un protocole d’enquête sur les cas de féminicides.

Parmi les autres affaires retentissantes à son actif, celui de la Française Florence Cassez qui lui doit sa libération, le 23 janvier 2013. Contre toute attente, la Cour suprême se saisit du dossier et annule la condamnation prononcée en 2008. “Il n’est pas raisonnable de déterminer la culpabilité d’une personne sans tenir compte de la présomption d’innocence et sans la juger conformément à la loi”, déclare-t-elle à l’époque, en ajoutant avec une pointe d’exaspération : “Il n’est pas possible de prétendre faire justice en se basant sur une scène théâtrale et cinématographique “.

“Vision novatrice”

Aujourd’hui, cette mère de trois enfants – tous juristes –, respectée “pour son courage et sa vision novatrice” a promis d’apporter une “vision différente” à la politique intérieure mexicaine, “celle avec les yeux d’une femme”. Si elle se dit opposé à l’avortement, elle plaide pour la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse dans tout le pays. “Je suis d’accord avec la décriminalisation, que les femmes ne soient pas poursuivies et privées de leur liberté. Les femmes ne sont pas obligées d’aller en prison pour cela”, a-t-elle argué.

Olga Sanchez Cordero est-elle pour autant en mesure de parvenir à la “pacification du pays” ? Par le passé, le Mexique a déjà adopté une stratégie similaire en 1940. Le président de l’époque Lazaro Cardenas avait pratiqué une politique de répartition des terres, dépénalisé l’usage de la drogue, autorisé les médecins à prescrire des narcotiques pour les toxicomanes et fait ouvrir des cliniques pour eux. Il proposait de les traiter comme des patients plutôt que comme des criminels.

L’achat de petites quantités de marijuana, de cocaïne et d’héroïne avait été légalisé et l’État contrôlait leur vente. Les auteurs d’infractions pénales les moins graves avaient été libérés de prison. Cependant, ces changements radicaux n’ont duré que six mois, la pénurie de cocaïne et de morphine durant la Seconde Guerre mondiale ayant entraîné l’annulation de la loi.

Processus de paix en Colombie étudié

Aujourd’hui, son équipe a étudié le processus de paix conclu en Colombie entre le gouvernement et la guérilla marxiste des Farc, qui a permis aux chefs rebelles d’éviter la prison. Le plan a été élaboré en consultation avec des groupes de défense des droits de l’homme, les chefs religieux et les Nations unies.

L’idée d’amnistie pour les petits narcotrafiquants évoquée par AMLO devrait être soumise à référendum dans les prochains mois. Si les Mexicains l’approuvent, le gouvernement présentera alors le projet au Congrès, où le Mouvement national de régénération (Morena) du président et ses alliés sont majoritaires dans les deux chambres. Reste que lga Sanchez Cordero devra aussi tenir compte des conservateurs du Parti rencontre sociale (PES) avec qui AMLO s’est allié pour remporter les élections. Elle devra composer avec ces évangéliques peu ouverts aux questions sociétales. “Dans une démocratie, toutes les opinions peuvent être exprimées et toutes méritent d’être abordées”, assure-t-elle.

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