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Nagorny Karabakh : désolation dans la cathédrale de Choucha, frappée par une roquette

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Nagorny Karabakh : désolation dans la cathédrale de Choucha, frappée par une roquette

Livre de l’Exode 29-30. Jetée à terre par la violence du choc, la Bible en alphabet arménien, couverte de poussière, gît ouverte sur le sol, aux côtés de candélabres renversés.

Un trou béant dans la voûte de pierres laisse passer un rayon de soleil qui vient illuminer le désastre dans la nef.

La cathédrale de Choucha (Chouchi pour les Arméniens), une ville historique symbole, souvent appelée la “Jérusalem du Nagorny Karabakh”, a été atteinte jeudi de plein fouet par une frappe au douzième jour de la guerre entre séparatistes arméniens et forces azerbaïdjanaises.

L’Azerbaïdjan, dont les forces bombardent depuis des jours cette cité, a démenti avoir touché le lieu de culte.

Vers 15H30 heure locale (11H30 GMT), trois roquettes ont visé cette ville, située sur une crête montagneuse dominant la capitale indépendantiste Stepanakert, à 14 km environ, a constaté un journaliste de l’AFP.

L’une d’elle a atterri sur le toit de la cathédrale, l’une des plus célèbres églises du monde arménien, datant du XIXe siècle, sur son transept sud, endommageant gravement l’édifice.

“J’arrivais à l’église quand j’ai vu trois roquettes dans le ciel. Deux sont passées à côté, mais la troisième a touché le toit”, raconte Zanyac Tigran, le jardinier des lieux, blouson de cuir et pantalon de treillis.

“J’ai les genoux qui en tremblent encore, c’est un miracle que je sois indemne”, lâche l’homme, visiblement secoué, en se passant la main sur sa barbe de trois jours.

Dans le jardin plat servant de parvis au monument, des morceaux déchiquetés de la charpente en bois et du toit de plomb sont parsemés un peu partout.

A l’intérieur, c’est la désolation. Les pierres tombées de la voûte gisent en tas sur le sol couvert de poussière. A une quinzaine de mètres au-dessus des têtes, un large trou -de deux à trois mètres de diamètre- a déchiré le plafond entre les ogives.

– “Rien de stratégique” –

Les bancs dans cette partie de la nef ont été écrasés ou repoussés sous le choc vers le centre de l’édifice. Le sol est jonché de bris de verre, éclats de bois et tapis souillés par les décombres.

Dans le choeur en estrade, tous les objets liturgiques ont été renversés sur l’autel. Une épaisse couche de cendre recouvre tout, qui prend au nez et se mêle à une caractéristique odeur d’explosif.

Un homme vient rallumer un cierge avant de se signer, un autre ramasse la bible au sol pour l’épousseter et la replacer avec dévotion sur son reposoir.

“Il n’y a pas de militaires ici, rien de stratégique, comment peut-on viser une église ?”, s’indigne, outré, Siméon, un autre visiteur. “C’est une cathédrale très importante pour nous les Arméniens”, rappelle-t-il.

Une poignée de fidèles étaient présents au moment de l’attaque, par miracle aucun d’entre eux n’a été grièvement blessé. Choqués, un prêtre les a emmenés dans la cave d’un immeuble voisin servant d’abri antiaérien.

Comme Stepanakert, Choucha est depuis une dizaine de jours la cible régulière des bombardements des forces azerbaïdjanaises.

Pour l’archevêque de la région, Parguev Martirossian, cette nouvelle attaque relève des méthodes de “l’Etat islamique, ils (les Azerbaïdjanais) attaquent nos valeurs spirituelles”, a-t-il dit à l’AFP.

Plus tard dans l’après-midi, une deuxième frappe a touché l’édifice religieux, faisant des blessés parmi des journalistes russes et arméniens présents sur place.

Longtemps partagée entre deux cultures, chrétienne pour l’Arménie et musulmane pour l’Azerbaïdjan, Choucha fut le théâtre d’une bataille décisive pendant la guerre du Karabakh (1988-92), qui vit les Arméniens en reprendre le contrôle.

Ceux-ci firent alors de la cathédrale un symbole : désaffectée sous l’ère soviétique, elle servit ensuite de garage puis de dépôt d’armes pour les Azerbaïdjanais, avant d’être reconstruite et remise à neuf.

“Nous reconstruirons notre cathédrale, comme nous l’avons toujours fait au cours de notre histoire”, promet Siméon. Quant aux responsables de ce bombardement, “Dieu jugera !”.

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