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Nicaragua: la colère gronde encore malgré l’abandon de la réforme

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Nicaragua: la colère gronde encore malgré l’abandon de la réforme

De nouvelles manifestations hostiles au président Daniel Ortega sont prévues lundi au Nicaragua, malgré l’abandon de sa réforme controversée des retraites à l’origine d’un mouvement de colère qui a fait au moins 25 morts.

La principale mobilisation contre le gouvernement est attendue à 21H00 GMT, à l’appel du Conseil supérieur de l’entreprise privée (Cosep), pourtant allié d’Ortega depuis son arrivée au pouvoir il y a 11 ans. Les étudiants qui ont lancé ce mouvement de protestation ont également prévenu qu’ils continueraient à manifester.

Dimanche, le président de gauche a tenté d’apaiser le courroux populaire en annulant la réforme polémique, qui devait augmenter les contributions sociales des salariés et des employeurs afin de réduire le déficit de la Sécurité sociale (76 millions de dollars).

La réforme, qui abaissait aussi de 5% le montant des retraites sur recommandation du Fonds monétaire international (FMI), avait déclenché mercredi dernier une révolte des étudiants qui s’est rapidement propagée au reste de la population.

En cinq jours, le mouvement de rébellion, assez inhabituel dans ce pays pauvre d’Amérique centrale, a fait 25 morts, dont un caméraman tué par balle en plein reportage.

Et si la colère ne retombe pas, c’est qu’elle reflète un mécontentement plus général de la population, excédée par la détérioration de ses conditions de vie et par un gouvernement accusé de corruption.

“Les manifestations (…) sont contre un gouvernement qui nie la liberté d’expression, la liberté de la presse et celle de manifester pacifiquement”, a déclaré à l’AFP Clifford Ramirez, étudiant en sciences politiques de 26 ans qui faisait partie des premiers à manifester.

Alors que les manifestations ont dégénéré ce week-end, avec pillages de commerces, mise à sac de bâtiments publics, barricades de pierres et pneus incendiés dans les rues, le gouvernement a déployé les forces de l’ordre qui, selon les manifestants, ont utilisé des armes à feu.

Lundi, les rues de Managua étaient désertes, avec aucun bus en circulation et nombre d’entreprises signalant une faible affluence des salariés.

– Pas de retour en arrière? –

Le président Ortega a dénoncé la violence des manifestants, les comparant à des gangs criminels. Mais les Etats-Unis, l’Union européenne et le pape François ont surtout critiqué la force excessive utilisée par la police.

Par précaution, Washington a ordonné lundi l’évacuation du personnel de son ambassade à Managua, ainsi que de leurs familles.

“Nous exigeons du gouvernement nicaraguayen de cesser immédiatement l’attaque brutale contre les manifestants et la population civile”, a lancé le Centre nicaraguayen des droits de l’homme (Cenidh) dans un communiqué conjoint avec la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH).

Le Cosep a conditionné sa participation au dialogue proposé par le président Ortega à la fin de la répression des manifestants et de la censure de la presse, et demandé une large participation citoyenne dans ce processus.

“Je ne vois les conditions pour aucun dialogue avec le gouvernement du Nicaragua”, a estimé sur Twitter l’évêque adjoint de Managua, Silvio Baez, alors que le président pourrait se réunir avec la Conférence épiscopale pour chercher une sortie à la crise.

“Il faut arrêter la répression, libérer les jeunes incarcérés, rétablir la transmission du Canal 100% Noticias (actuellement censuré, ndlr) et discuter de la démocratisation du pays avec tous les secteurs”, a-t-il ajouté.

Pour l’étudiant Clifford Ramirez il n’y a plus de retour en arrière possible: “Nous ne pouvons plus accepter ce gouvernement, nous manifestons pour que le couple Ortega-Murillo quitte le pouvoir”, dit-il, en référence à la femme de Daniel Ortega, Rosario Murillo, vice-présidente.

Car le “Comandante” de 72 ans, l’un des chefs de la guérilla ayant mené la révolution sandiniste en 1979, en est déjà à son quatrième mandat, obtenu en novembre 2016 face à une opposition dévastée par l’annulation en justice de la candidature de son principal leader.

Et sa femme, poétesse excentrique de 66 ans qui dirigeait déjà d’une main de fer la communication et l’agenda de la présidence et du gouvernement, est devenue par la même occasion le deuxième personnage du Nicaragua.

“Depuis la révolution sandiniste de 1979, nous avons les mêmes leaders politiques, ils ne laissent personne d’autre émerger”, soupire Clifford Ramirez. “Nous voulons de nouveaux dirigeants qui nous représentent, nous les jeunes”.

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