L’un caracole en tête des sondages, l’autre espère rompre l’hégémonie du parti conservateur: au Paraguay, Mario Abdo Benitez, 46 ans, et Efrain Alegre, 55 ans, s’affrontent dimanche à l’élection présidentielle.

Le scrutin à un tour, organisé en même temps que les élections législatives, désignera le successeur d’Horacio Cartes, qui ne se représente pas, dans ce pays de près de 7 millions d’habitants rongé par la corruption et le trafic de drogue.

– Benitez, au passé familial encombrant

Crédité de jusqu’à 20 points d’avance sur son adversaire, Mario Abdo Benitez a su dépasser son CV familial quelque peu encombrant: il est le fils du secrétaire particulier de l’ex-dictateur Alfredo Stroessner (1954-1989).

Diplômé en marketing aux Etats-Unis, “Marito”, comme on le surnomme dans le pays, avait réussi l’exploit d’être désigné candidat du parti Colorado, au pouvoir quasiment sans interruption depuis 70 ans, face au poulain désigné par le président Cartes.

Et il a pris soin d’afficher ses distances par rapport à son héritage.

“Je suis fier que des victimes qui ont souffert de mauvais traitements et de tortures à cette époque (de la dictature, ndlr) travaillent aujourd’hui avec moi. C’était un autre temps. Si je leur suscitais du rejet, elles ne seraient pas avec moi”, assure le candidat.

Le passé de son père a finalement peu importé aux électeurs: “Ceux qui ont moins de 40 ans ne se souviennent plus de cette dictature”, explique l’analyste politique Francisco Capli.

Abdo Benitez lui-même rappelle qu’il avait “16 ans quand Stroessner est tombé”. Ce qui ne l’a pas empêché d’assister aux funérailles de l’ex-dictateur, exilé au Brésil, en 2006, puis de proposer un hommage de son parti.

Remarié, père de deux enfants né d’une première union, cet homme élégant, fine barbichette et cheveux poivre et sel, a été élu sénateur en 2013, puis président du Parlement en 2015.

Il a depuis rompu les relations avec le président Cartes, s’opposant à sa tentative de modifier la Constitution pour pouvoir être réélu, qui avait suscité de violentes manifestations à Asuncion.

Son programme s’il est élu: poursuivre les réformes économiques de son prédécesseur et réformer le système judiciaire, qu’il accuse d’être corrompu.

– Alegre, contre l’hégémonie conservatrice

Avocat et militant depuis sa jeunesse au parti Liberal, Efrain Alegre représentera dimanche une coalition de centre-gauche, avec l’ambition de mettre fin à la toute-puissance du parti Colorado.

Catholique pratiquant, opposé à l’avortement et au mariage pour tous, cet homme souriant aux cheveux noirs se présente pour la deuxième fois.

Fils d’un fermier et commerçant du département de Misiones (sud-est), marié et père de quatre enfants, il a étudié le droit et milité contre la dictature.

“J’avais une vocation de service public. Pour moi, étudier le droit signifiait une rébellion de jeunesse, ça me semblait un instrument important pour lutter contre la dictature”, explique-t-il.

Il s’est finalement consacré à la politique, exerçant comme parlementaire pendant 15 ans.

Titulaire d’un master en sciences politiques et d’une maîtrise de droit, tour-à-tour ministre des Travaux publics, président du Sénat puis de la chambre des députés, Efrain Alegre affiche le profil complet de l’homme politique.

Mais il manque de la structure de parti du puissant Colorado, qu’il appelle à écarter du pouvoir, le rendant responsable du taux élevé de pauvreté (26,4% en 2017).

“La macro-économie ne donne pas à manger aux gens”, rétorque-t-il face au discours officiel vantant la croissance de 4,5% en 2017.

Il propose de faire fondre les tarifs d’électricité et d’offrir la santé gratuite aux plus démunis, un programme qualifié de populiste par son adversaire.

Alegre “a un discours irresponsable car son projet ne prend pas et il essaie de construire une dialectique mensongère et trompeuse”, l’a accusé Mario Abdo Benitez.