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Pérou: après la démission de Kuczynski, le vice-président prend la relève

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Pérou: après la démission de Kuczynski, le vice-président prend la relève

Le premier vice-président péruvien Martin Vizcarra, un ingénieur austère sans lien avec les partis politiques traditionnels, doit succéder vendredi à la tête du Pérou à Pedro Pablo Kuczynski, qui a démissionné sur fond de scandale de corruption.

M. Vizcarra, qui se trouvait au Canada, est arrivé tard dans la nuit à Lima. Conformément à la Constitution, la présidence devrait lui échoir, jusqu’au terme du mandat actuel, en juillet 2021.

Avant qu’il ne puisse prendre ses fonctions et prêter sermet devant le Parlement, celui-ci devra toutefois statuer d’abord sur le sort du président. Le Parlement doit en effet décider s’il accepte la démission de Pedro Pablo Kuczynski, mis en cause pour ses liens avec le groupe brésilien de BTP Odebrecht, au coeur d’un vaste scandale de corruption, ou s’il juge préférable de le destituer.

“Ce n’est pas un jour heureux pour le pays, ce n’est pas un jour dont nous sommes fiers. C’est un jour difficile et compliqué”, a déclaré le député de l’opposition Victor Andrés Belaunde.

Le débat a commencé jeudi à 17H00 locales (21H00 GMT) et duré plusieurs heures jeudi soir, mais l’acceptation ou le rejet de “la démission du président sera votée vendredi” à partir de 10h00 (15h00 GMT), a précisé le chef du Parlement, Luis Galarreta (opposition).

S’ils la refusaient, les députés poursuivraient alors la procédure de destitution, une forme d’humiliation pour “PPK” – comme le surnomment ses concitoyens -, qui n’aura passé que 20 mois à la tête du Pérou. C’est ce qui s’était passé pour son prédécesseur Alberto Fujimori (1990-2000), destitué bien qu’il eût annoncé son départ.

“Je suis indigné par la situation actuelle, comme la majorité des Péruviens”, avait commenté sur Twitter Martin Vizcarra, ajoutant être “à la disposition du pays”, avant son départ du Canada. Il n’a en revanche fait aucune déclaration à son arrivée à Lima.

– “Transition rapide” –

Accusé d’avoir menti sur ses liens avec le géant brésilien du BTP Odebrecht, au coeur d’un vaste scandale de corruption qui éclabousse une partie de la classe politique d’Amérique latine, M. Kuczynski, un ancien banquier de Wall Street de 79 ans, a jeté l’éponge mercredi.

Il est ainsi devenu le premier président à chuter dans cette affaire qui a déjà mené en prison nombre de parlementaires brésiliens et le vice-président de l’Equateur.

Ses deux prédécesseurs, Ollanta Humala et Alejandro Toledo, sont eux aussi accusés d’être impliqués dans ce scandale. Le premier est en détention provisoire. Quand au second, il est installé en Californie, mais le Pérou a validé jeudi la demande d’extradition qu’il va présenter aux autorités américaines.

Cette crise politique tombe au plus mal, à quelques semaines du sommet des Amériques, les 13 et 14 avril à Lima, où sont attendus une trentaine de chefs d’Etat dont le président américain Donald Trump.

Mais elle ne devrait pas remettre en cause le déroulement du sommet, ni susciter de grandes agitations au Pérou, où le président de centre droit, élu dans un mouchoir de poche en 2016, n’a jamais suscité l’enthousiasme de la population.

“Il est probable que la transition au pouvoir soit relativement douce et rapide”, estime le cabinet britannique Capital Economics. Et “la faible probabilité d’une incertitude politique prolongée renforce notre opinion que ce bouleversement politique ne devrait pas détériorer l’économie”.

– “Changer les règles” –

Mais Martin Vizcarra, 55 ans, qui contrairement à “PPK” n’a aucun lien avec les milieux d’affaires et les partis traditionnels, devra lui aussi affronter la toute-puissance du clan Fujimori, incarné par ses enfants Keiko et Kenji.

“Le vice-président aura le même problème de gouvernance. Il lui faudra composer avec le fujimorisme divisé en deux entre Keiko et Kenji”, souligne Gaspard Estrada, le directeur de l’Opalc, l’observatoire sur l’Amérique latine de l’école de Sciences politiques de Paris.

M. Kuczynski a justement souffert face au parti de Keiko, Force populaire (droite), majoritaire au Parlement. Il avait déjà échappé de justesse fin décembre à une premier procédure de destitution, en échange d’un accord avec Kenji à qui il a offert en retour, quelques jours plus tard, la grâce de son père Alberto, qui purgeait une peine de 25 ans de prison pour crimes contre l’humanité et corruption.

C’est la diffusion de vidéos, mardi, montrant Kenji en train de négocier cet achat de votes, qui a précipité la chute de PPK.

Dès mercredi, le Parlement a déclenché une procédure pour lever l’immunité de Kenji, 37 ans, engagé dans une guerre fratricide avec sa soeur Keiko, 42 ans, elle-même visée par une enquête pour possible financement illégal par Odebrecht de sa campagne présidentielle de 2011.

Pour Gaspard Estrada, “on dit que les choses vont changer mais je suis pessimiste concernant l’Amérique latine”. “Il faut changer les règles de financement des partis politiques pour que cela ne se reproduise plus”.

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