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Petro: l’ex-guérillero qui secoue la tradition politique de la Colombie

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Petro: l’ex-guérillero qui secoue la tradition politique de la Colombie

Gustavo Petro a échappé à la mort, à la stigmatisation pour devenir le premier ex-guérillero à aller aussi loin dans une course présidentielle en Colombie. Son ascension ébranle la tradition d’un siècle de gouvernements de droite.

A 58 ans, cet ancien maire de Bogota est arrivé deuxième au premier tour de l’élection présidentielle de dimanche, derrière le tenant de la droite dure, Ivan Duque, qu’il affrontera donc le 17 juin au second tour.

Homme de stature moyenne, aux épaisses lunettes de myope, il soigne son apparence face aux caméras, sans apprécier les médias. Face à la foule, il oublie comme par magie sa timidité.

Depuis l’accord de paix avec l’ex-rébellion marxiste Farc, dont la vaine et violente lutte pour le pouvoir a longtemps stigmatisé la gauche colombienne, Gustavo Petro est parvenu à attirer des multitudes à ses meetings, dont de nombreux jeunes.

Il attribue sa réussite au fait que “les citoyens ont pu se détacher de la peur que génère la guerre et la politique de la haine”, a-t-il déclaré à l’AFP.

Minée par les dictatures militaires au XXe siècle, l’Amérique du Sud a déjà connu des gouvernements dirigés par d’anciens rebelles comme Dilma Rousseff au Brésil ou José Mujica en Uruguay.

– “Guérillero politique” –

Mais dans une Colombie saignée par un conflit de plus d’un demi-siècle, aujourd’hui en extinction, le succès de Petro menace pour la première fois l’hégémonie des élites conservatrices et libérales.

Pour ses critiques, c’est un “populiste radical” ex-militant de la guérilla dissoute du M-19, mouvement de jeunes urbains critiques du marxisme qui a attaqué le palais de justice de Bogota –repris par l’armée, avec un solde de 99 morts– avant de déposer les armes et de promouvoir la Constitution de 1991.

Il était un “mauvais guérillero en armes, mais un bon guérillero politique. Nous étions les enfoirés qui tirions les coups de feu et lui faisait l’important”, rappelle Juan Montaña, 70 ans, ex-compagnon de Petro dans les années 80.

Avec lui, la gauche divisée et minoritaire s’ouvre la voie du pouvoir, dans un des pays les plus inégalitaires du monde.

“C’est un homme très exigeant, soucieux des résultats. Il est aimable, généreux, très timide et sépare bien sa vie familiale de sa vie publique”, dit de lui Jorge Rojas, l’un de ses plus proches collaborateurs.

Né le 19 avril 1960 dans une famille modeste de la côte caribéenne, éduqué par des prêtres, Petro commence à militer à gauche après le coup d?État de 1973 au Chili.

– Arrogance sélective –

Lecteur passionné de Gabriel Garcia Marquez, il a étudié l’économie et a gagné les classes populaires avant même d’entamer sa carrière parlementaire.

Élu de Zipaquira, près de Bogota, il a contribué à la construction du quartier Bolivar 83 où il se cachera des militaires. “Les gens prenaient soin de moi et me protégeaient”, se souvient-il. Capturé, il sera emprisonné dans un complexe de l’armée, où il dit avoir été torturé et craint pour sa vie.

La mort l’a cerné et forcé à l’exil, à porter une “gabardine blindée” et à dormir avec une mitraillette, selon son récit au journal El Tiempo à l’époque où, sénateur, il a dévoilé les liens entre politiques et paramilitaires d’extrême-droite.

Après son passage à la mairie de Bogota (2012-2015) où il s’est gagné une réputation d’arrogant et mauvais gestionnaire, Petro a trouvé une nouvelle niche via les réseaux sociaux. Il est le candidat présidentiel comptant le plus d’abonnés sur Twitter et Facebook.

Certains lui reprochent son passé de guérillero, son autoritarisme, son programme de réformes “irréalisable”, ses affinités avec un régime vénézuélien aujourd’hui en faillite; d’autres comblent les places publiques pour écouter son discours de changement.

Marié et père de six enfants, Petro, qui a défendu le défunt président Hugo Chavez mais critique son successeur Nicolas Maduro, a admis son arrogance, rappelle Rojas, mais en précisant qu’elle vise “les puissants, pas les humbles”.

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