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Place publique, cet OVNI qui veut occuper l’espace à gauche

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Place publique, cet OVNI qui veut occuper l’espace à gauche

Le mouvement lancé notamment par Raphaël Glucksmann et Thomas Porcher a tenu son premier meeting, jeudi, à Montreuil. Dans le champ de ruines que constitue la gauche située entre Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron, la place est à prendre.

Et s’il se passait enfin quelque chose à gauche ? En une petite semaine d’existence, Place publique, le parti citoyen fondé, entre autres, par l’essayiste Raphaël Glucksmann, l’économiste Thomas Porcher et la militante écologiste Claire Nouvian revendique 10 000 adhérents. Et jeudi soir, ils étaient environ 1 000 à avoir fait le déplacement à Montreuil, à l’est de Paris, pour assister au premier meeting de ce mouvement qui affirme vouloir répondre aux “urgences écologique, sociale, démocratique et européenne”.

Dix-huit mois après la débâcle des élections présidentielle et législatives de 2017, la gauche non radicale demeure inaudible, asphyxiée sur ses extrémités par Jean-Luc Mélenchon d’un côté et Emmanuel Macron de l’autre. Le Parti socialiste n’est toujours pas sorti de son coma. Le mouvement de Benoît Hamon, Génération.s, ne parvient pas à convaincre. Et Europe Écologie-Les Verts s’entête à vouloir faire cavalier seul aux élections européennes.

“C’est désespérant”, reconnaît Noémie, 20 ans, étudiante en philosophie. “Mais pour la première fois depuis longtemps, on a envie d’espérer à nouveau. J’ai lu le livre de Raphaël Glucksmann, ‘Les enfants du vide’, que j’ai trouvé intéressant. Ce mouvement est constitué de personnes déjà engagées dans un domaine et qui ont envie de se lancer en politique pour faire bouger les choses. La démarche me plaît.”

Appel au “réveil citoyen”

Comme elle, ils sont nombreux parmi les présents à La Marbrerie, une ancienne usine de marbre reconvertie en lieu culturel, à avoir lu “Les enfants du vide”. Dans son essai qui cartonne en librairie (numéro un des ventes dans la catégorie essai depuis sa sortie le 11 octobre), Raphaël Glucksmann estime que la gauche européenne a arrêté de réfléchir et de faire de la politique, laissant les populistes s’installer progressivement, et appelle au “réveil citoyen”.

“C’est sûr que son livre a eu un effet chez beaucoup de gens et qu’il est la personnalité la plus médiatique parmi les cofondateurs du mouvement”, analyse Pierre-Yves, 49 ans, venu prendre la température pour ce premier meeting. “Mais d’autres sont sans doute venus parce qu’ils connaissent Thomas Porcher, d’autres parce qu’ils suivent le combat de Claire Nouvian. Avec autant de représentants d’ONG, d’associations et de militants, les chemins qui mènent à Place publique sont multiples.”

Tous ont en commun d’avoir été déçus par les partis politiques ces dernières années. Certains ont été écœurés par le quinquennat de François Hollande, marqué par un virage social-libéral et la proposition sur la déchéance de nationalité. D’autres ont cru à l’horizontalité et à une nouvelle façon de faire de la politique prônées par En marche durant la campagne présidentielle, mais ont depuis déchanté. D’autres encore ont suivi Benoît Hamon chez Génération.s mais sont aujourd’hui frustrés par une organisation qu’ils jugent trop pyramidale. Et puis il y a ceux qui avaient fini par rejoindre Jean-Luc Mélenchon mais qui ont été refroidis par l’épisode des perquisitions à son domicile et au siège de La France insoumise.

“Il n’y a de fatalité que dans l’inaction”

Sur scène, les “porteurs de cause” défilent pour témoigner de leur engagement dans la société civile. Fondatrice de l’ONG Bloom qui lutte pour la préservation des océans, Claire Nouvian appelle à “créer non seulement une force citoyenne puissante, mais une force majoritaire”. “Quel est notre risque à essayer ? Au pire on passe pour des imbéciles”, lance-t-elle à un public conquis. “Le seul risque, c’est de nous retrouver dans 30 ans, face à nos enfants, face au désastre écologique qui s’annonce et de nous dire qu’on n’a rien fait.”

L’économiste Thomas Porcher, membre du collectif des économistes atterrés et auteur du “Traité d’économie hérétique”, entend lutter contre les inégalités sociales. Il se demande comment il est encore possible de voir autant de SDF dans les rues d’un pays qui fait partie des plus riches au monde. “On n’accepte pas que ceux qui soignent, que ceux qui sauvent n’aient plus de moyens parce qu’on a fait des cadeaux fiscaux aux plus riches”, s’insurge-t-il.

>> À voir : “L’Europe est souvent la grande naïve du système mondial”, affirme Thomas Porcher sur France 24

Chantre de la démocratie participative, le maire de la petite ville de Kingersheim, dans la banlieue de Mulhouse, Jo Spiegel, affirme que “la démocratie ne se délègue pas, elle se vit au quotidien”. “La démocratie est participative ou elle ne l’est pas !”, jure-t-il en promettant que Place publique sera “une maison commune” qui mettra “l’humain au cœur” de sa démarche.

Des élus du PS, d’EELV et de Génération.s venus en observateurs

“Ce qui nous intéresse, ce n’est pas 2019, ce n’est pas 2022, c’est 2030, la date où le dérèglement climatique sera irréversible”, affirme de son côté Raphaël Glucksmann, dernier leader à prendre la parole. “Mais s’il le faut, on se saisira de 2019, de 2022, pour agir sur 2030. […] Il n’y a de fatalité que dans l’inaction.”

Signe que le tout jeune mouvement pourrait prendre de l’ampleur et qu’il est observé, plusieurs élus ou anciens élus avaient fait le déplacement jeudi soir : le député Jean-Michel Clément (ex-LREM), le député européen Guillaume Balas (Génération.s), l’ancien ministre de l’Écologie Philippe Martin (PS), le conseiller régional Julien Bayou (EELV) ou encore le président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis Stéphane Troussel (PS).

Dans cette gauche émiettée et divisée, il y a aujourd’hui une place à prendre pour occuper l’espace entre Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron. Les cofondateurs de Place publique se défendent de vouloir ajouter de la division à la division et ne se prononcent pas encore sur l’éventualité d’une liste aux élections européennes de 2019. Mais clairement, l’intention est là : leur but est de peser suffisamment dans le débat pour émerger comme une force dominante.

Reste à savoir s’ils parviendront à être entendus au-delà de leur audience naturelle. À Montreuil, ville surnommée “Boboland” par certains, le public était très majoritairement blanc, jeune, éduqué, urbain. Un profil “CSP+” bien né sensible aux causes défendues par Place publique. Le lancement auprès du cœur de cible a été réussi. Les leaders de ce mouvement citoyen doivent désormais convaincre les citoyens moins favorisés.

Première publication : 16/11/2018

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