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Podemos: des sit-ins au gouvernement de l’Espagne

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Podemos: des sit-ins au gouvernement de l’Espagne

Le parti de gauche radicale Podemos s’assoit mardi pour la première fois à la table du conseil des ministres en Espagne, près de dix ans après le mouvement des Indignés dont il a émergé.

Ex-professeur de sciences politiques à la queue de cheval, son chef Pablo Iglesias est devenu l’un des quatre vice-présidents du gouvernement du socialiste Pedro Sanchez, en charge des droits sociaux. La formation compte quatre autre maroquins dans cet exécutif de coalition inédit.

– Enfants de la crise économique –

Au printemps 2011, des centaines de milliers de jeunes manifestants “indignés” occupent la Puerta del Sol de Madrid et d’autres places d’Espagne pour dénoncer la crise économique et les mesures d’austérité drastiques.

Se revendiquant de leurs aspirations, une poignée d’universitaires madrilènes très à gauche, dont Pablo Iglesias, lancent Podemos en 2014.

“Une sorte d’utopie dont nous avions besoin”, se souvient pour l’AFP Nacho Pelaez, sympathisant attablé dans un bar du quartier populaire de Lavapies à Madrid, fief de Podemos.

Quelques mois plus tard, la formation crée la surprise aux élections européennes de mai 2014 en remportant près de 8% des voix. Tout juste eurodéputé, Pablo Iglesias appelle à “freiner la grande coalition qui impose l’austérité et le totalitarisme financier” en Europe.

Galvanisé par la victoire en Grèce de son allié Syriza, Podemos devient la troisième force politique au Parlement espagnol lors des législatives de fin 2015 et mi-2016.

En jean, en dreadlocks, allaitant dans l’hémicycle, ses députés mettent fin, avec les libéraux de Ciudadanos, à 40 ans de bipartisme entre socialistes et conservateurs dans le pays. Podemos remporte aussi en 2015 les mairies des deux plus grandes villes du pays, Madrid et Barcelone.

La formation échoue toutefois à surpasser les socialistes, son objectif déclaré, et se retrouve minée par les dissensions internes. Au fil des scrutins, Podemos perdra désormais des électeurs.

Pablo Iglesias congédie le numéro trois du parti, Sergio Pascual, et entre en conflit avec son ami et numéro deux, Iñigo Errejon, qui finira par créer son propre parti et se présenter aux élections en 2019.

Contesté au sein de sa formation, Iglesias est aussi fragilisé par une polémique sur l’achat en 2018 d’une villa chic avec sa compagne Irene Montero, devenue la nouvelle numéro deux du parti et aujourd’hui ministre de l’Egalité.

– Mariage de raison –

Après avoir refusé d’appuyer en 2016 l’investiture de Pedro Sanchez comme chef de gouvernement, Podemos lui donne un coup de pouce décisif en juin 2018 en l’aidant à faire tomber le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy pour se hisser au pouvoir.

C’est le premier pas d’une valse-hésitation de plus d’un an. Leurs relations se tendent l’été dernier quand leurs négociations en vue de former un gouvernement échouent. En septembre, Pedro Sanchez soutenait encore qu’avec des ministres de Podemos, il “ne dormirait pas la nuit”.

Mais sortis affaiblis du dernier scrutin législatif de novembre, les socialistes et Podemos, qui s’est fait devancer par l’extrême droite de Vox à la chambre des députés, sont condamnés à s’entendre. Pedro Sanchez et Pablo Iglesias annoncent dans la foulée un accord de coalition, marqué par un programme très social.

Podemos “a besoin d’être dans le gouvernement pour stopper l’hémorragie de votes”, analyse pour l’AFP José Ignacio Torreblanca, du think tank European Council on Foreign Relations, auteur d’un livre sur la formation de gauche radicale.

Une entrée au gouvernement qui divise les militants de la première heure. “C’est décevant (…) le fond du projet s’est perdu”, juge Jamon Alonso, dans le café de Lavapies. Quelques tables plus loin, Nacho Pelaez préfère voir le verre à moitié plein: “je comprends que beaucoup de gens critiquent Podemos (pour leur alliance avec les socialistes) mais je crois que c’est la seule vraie option que nous avons aujourd’hui”.

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