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Pourquoi la Belgique n’a pas acheté de Rafales à la France

Le gouvernement belge a annoncé, jeudi, l’achat de F-35 américains, au détriment du Rafale français. Un choix critiqué par Emmanuel Macron mais motivé en Belgique par le souvenir d’un scandale de corruption impliquant Dassault dans les années 90.

Après sept mois de négociations, la Belgique a opté pour une commande de 34 avions de chasse F-35 américains estimée à 3,6 milliards d’euros, au détriment du Rafale français. Emmanuel Macron a regretté cette décision, évoquant, vendredi 26 octobre, un choix qui “stratégiquement va a contrario des intérêts européens”. Des critiques partagées par des experts européens, qui ont qualifié cette commande de “claque” pour l’Europe de la défense.

“Ce n’est pas un choix européen, c’est pire qu’une claque, c’est désespérant pour l’Europe de la défense”, a fustigé à l’AFP Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman, un centre de réflexion européen. Pour cet avion, fait valoir l’expert, “la maintenance et le modus opérandi dépendent d’un contrôle des États-Unis, y compris en opérations, avec des logiciels opérés depuis là-bas. C’est une des raisons du refus de l’Allemagne” de l’acquérir, a-t-il précisé.

Au départ, le ministre de la Défense belge, le nationaliste flamand (N-VA) Steven Vandeput, n’avait pas du tout apprécié la manière de négocier des Français. Ces derniers avaient proposé “une coopération approfondie” avec l’armée de l’air belge, dépassant la simple fourniture des Rafale du groupe Dassault, alors que les États-Unis pour le F-35 et le Royaume-Uni pour le Typhoon avaient, eux, répondu en bonne et due forme à l’appel d’offres formulé d’État à État. “Nous regrettons que la France se soit volontairement soustraite à l’obligation de présenter une offre transparente dans le cadre de notre mise en concurrence”, a répété jeudi Steven Vandeput.

Dassault traîne une mauvaise réputation en Belgique

La décision belge est à lire au regard du scandale Agusta-Dassault, un cas de corruption liée à des commissions versées par le constructeur français au parti socialiste flamand (SP) dans les années 90. Cette affaire, dans laquelle Serge Dassault avait été condamné à deux ans de prison avec sursis, avait aussi conduit à la chute de plusieurs ministres belges.

Si dans le cas du remplacement des F-16, la Belgique a opté pour une procédure stricte d’État à d’Etat, c’est parce que “la N-VA [parti qui domine la coalition au pouvoir] a voulu se distancier du PS et des vieilles pratiques qui ont été condamnées dans le passé”, explique Christophe Wasinski, professeur de relations internationales à l’Université libre de Bruxelles.

À l’époque, les accusations de corruption avaient porté sur des contrats de modernisation électronique des avions de combat F-16 de l’armée belge. Ceux-là même que la Belgique souhaite remplacer aujourd’hui pour moderniser son escadre.

>> À lire : L’opposition appelle Modi à démissionner après des déclarations de Hollande sur les ventes de Rafale

Une victoire des nationalistes flamands

En Belgique, d’autres voient dans le choix des avions de chasse américains, une victoire des nationalistes flamands réputés atlantistes. Les déclarations des ministres francophones du gouvernement laissent en effet percevoir une volonté de justifier la nécessité pour la Belgique de la décision d’acheter des F-35. 

“Nous avons continué à travailler évidemment avec les offres reçues et le meilleur avion sur tous les plans (…) était manifestement le F-35, avec 30 % de composants européens et des retombées assez fortes pour l’industrie belge”, a affirmé le chef de la diplomatie Didier Reynders, leader francophone.

De son côté, le Premier ministre, Charles Michel, francophone lui aussi, a voulu parer aux critiques en vantant des achats militaires qui s’inscrivent “à la fois dans le cadre de l’Otan et dans le cadre européen”. Il a expliqué que l’achat des F-35, qui remplaceront progressivement les F-16 à compter de 2023 pour participer à des opérations internationales, se faisait en même temps que celui d’autres équipements, européens ceux-là, parmi lesquels des véhicules blindés de fabrication française.

La Belgique a effectivement commandé 442 blindés à la France, pour un contrat d’une valeur de 1,5 milliard d’euros. Cet accord, qui avait fait l’objet d’une “lettre d’intention” en vue d’un “partenariat stratégique” signée en juin 2017, porte sur la vente de 382 véhicules blindés légers multirôle de type “Griffon” et de 60 blindés de reconnaissance et de combat de type “Jaguar”.  

Pour Christophe Wasinski, il s’agit d’”une opération de communication du gouvernement belge”. Si l’annonce de cet achat semble une compensation, l’universitaire estime lui que “Charles Michel a cherché à noyer le poisson en disant qu’il n’achetait pas que du matériel américain, alors que la star de ces acquisitions est bien le F-35”.

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Avec AFP

Première publication : 26/10/2018

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