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Procès d’Harvey Weinstein : le témoignage crucial d’Annabella Sciorra (Soprano)

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Procès d’Harvey Weinstein : le témoignage crucial d’Annabella Sciorra (Soprano)

Annabella Sciorra est la plus connue des plaignantes dans le procès d’Harvey Weinstein qui se déroule depuis le 6 janvier 2020 à New York, au 15e étage du tribunal de Manhattan. Jeudi 23 janvier 2020, l’actrice de 59 ans a retrouvé l’ex-producteur de 67 ans pour témoigner en ce deuxième jour de plaidoiries. Un face-à-face de plus de cinq heures durant lequel la star de la série Les Soprano est revenue sur cette période du début des années 90 durant laquelle Harvey Weinstein a exercé sur elle une pression mentale et physique.

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S’il y a prescription pour les allégations d’Annabella Sciorra, la procureure de Manhattan Joan Illuzzi-Orbon a été autorisée par le juge à faire témoigner quatre accusatrices d’Harvey Weinstein. Le but est de permettre de montrer que l’ancien magnat d’Hollywood a agi tel “un prédateur” et d’apporter un éclairage précis sur sa méthode.

Annabella Sciorra a ainsi relaté en détail toutes les interactions qu’elle a eues avec Harvey Weinstein. Après avoir joué les mentors, il a pressé la comédienne d’accepter un rôle qu’elle ne voulait pas. Face à sa réticence, il l’a alors menacée de la poursuivre en justice si elle ne tournait pas ce film. Il lui a ensuite envoyé du Valium qu’elle a consommé pour la première fois… ainsi qu’une boîte de chocolats en forme de pénis.

Le viol fin 1993, début 1994

Puis Annabella Sciorra est revenue sur ce soir où Harvey Weinstein l’aurait violée. Face aux 12 jurés, l’actrice, qui est parvenue à s’exprimer d’une voix posée malgré l’envie de pleurer, a raconté ce soir où ils ont dîné ensemble à New York, avec d’autres personnes. Harvey Weinstein l’a ensuite raccompagnée chez elle avec son chauffeur. Elle était en chemise de nuit et prête à aller dormir lorsque le producteur a frappé à sa porte et s’est introduit de force dans son appartement.

Bien qu’elle lui ait dit qu’elle ne voulait pas avoir de relation sexuelle, il l’a forcée. Devant des jurés très attentifs, Annabella Sciorra a levé les bras pour montrer comment Harvey Weinstein les aurait bloqués pour l’empêcher de le repousser. Elle dit avoir crié. Elle a ajouté ne pas se souvenir exactement ce qu’il s’était passé ensuite. Quand elle a repris ses esprits, elle était sur le plancher. Elle a dit avoir ensuite sombré dans la dépression, commencé à boire et à se blesser volontairement en se scarifiant.

Quelques semaines après, Annabella Sciorra s’est confrontée à son agresseur qui lui a répondu : “Ça reste entre toi et moi.” “Il était menaçant. Il avait le regard noir, j’ai cru qu’il allait me frapper. J’ai eu peur pour ma vie“, a raconté l’actrice. Elle affirme avoir mis longtemps à comprendre qu’elle avait été violée et ne s’est confiée qu’à deux amies à l’époque, puis au journaliste du New Yorker qu’en octobre 2017 – soit vingt ans après les faits. “Je voulais faire comme si cela n’était jamais arrivé. Je croyais que c’était quelqu’un de gentil, qu’il était normal. J’étais troublée. Je me disais que je n’aurais pas dû ouvrir la porte“, a-t-elle expliqué. “À l’époque, je croyais que le viol était quelque chose qui se commettait dans des ruelles sombres… Par quelqu’un qu’on ne connaît pas“, a-t-elle ajouté.

Annabella Sciorra et Harvey Weinstein se sont retrouvés quelques années plus tard, en 1997, au Festival de Cannes où Annabella assurait la promotion du film Copland. À un moment, l’actrice est rentrée dans sa chambre d’hôtel, le producteur s’y trouvait en sous-vêtements, une bouteille d’huile pour bébé à la main. “J’ai appuyé sur tous les boutons du téléphone. Plusieurs personnes sont venues, il est parti“, a relaté Annabella Sciorra.

Le contre-interrogatoire offensif

Lors du contre-interrogatoire, Donna Rotunno, la redoutable avocate d’Harvey Weinstein, a remis en cause la crédibilité d’Annabella Sciorra. Elle a souligné que l’actrice ne se souvenait pas de la date exacte du viol présumé, qu’elle n’était pas allée voir la police, ni un médecin. Elle s’est également servie d’éléments de sa vie privée en mentionnant notamment une possible liaison extraconjugale. Rien de tout cela n’a déstabilisé Annabella Sciorra.

L’avocate s’est également appuyée sur le fait que l’accusatrice d’Harvey Weinstein était une “actrice professionnelle“, habituée à se présenter pour ce qu’elle “n’est pas“.

S’agissant de l’épisode du Festival de Cannes, Donna Rotunno a demandé à Annabella Sciorra pourquoi elle n’avait pas sollicité l’aide de Sylvester Stallone, également à l’affiche de Copland, et qui devait séjourner dans le même hôtel qu’elle. “Je ne savais pas où était Sylvester Stallone“, s’est défendue Annabella Sciorra.

Harvey Weinstein est poursuivi pour deux autres agressions, une agression sexuelle forcée en 2006 sur une ex-assistante de production, Mimi Haleyi, et un viol en 2013 sur une actrice dont l’identité a été révélée mercredi, Jessica Mann. Ces deux femmes devraient témoigner ultérieurement, ainsi que trois autres actrices.

Au total, plus de 80 femmes, parmi lesquelles des vedettes comme Angelina Jolie, Gwyneth Paltrow ou Léa Seydoux, ont depuis octobre 2017 accusé Weinstein de harcèlement et/ou d’agressions sexuelles. La plupart des faits sont cependant prescrits.

Harvey Weinstein risque la perpétuité s’il est condamné à l’issue de ce procès, prévu pour durer jusqu’au 6 mars.