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Proposition de loi antifessée: “Cette fois-ci, c’est la bonne”

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Proposition de loi antifessée: “Cette fois-ci, c’est la bonne”

Annulée par le Conseil constitutionnel en janvier 2017, rejetée par deux fois en 2018, la loi antifessée est de retour à l’Assemblée. Elle est emmenée par Maud Petit, députée du Val-de-Marne, qui porte avec le groupe MoDem une proposition de loi relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires. “Nous avons eu des auditions mercredi et jeudi, elles se sont très bien passées”, se réjouit-elle. La proposition de loi sera étudiée en Commission des lois le 21 novembre, et passera en séance dans l’Hémicycle le 29 novembre.

Celle-ci n’a qu’un caractère civil, c’est-à-dire qu’elle ne s’accompagne d’aucune sanction pénale. Le premier article a vocation à être inséré à l’article 371-1 du Code civil sur l’autorité parentale. “Il a une visée pédagogique et indique qu’on ne peut pas, pour élever un enfant, utiliser la violence”, résume Maud Petit sur BFMTV.com.

Le texte est soutenu, entre autres, par la ministre de la Santé Agnès Buzyn, la Première dame Brigitte Macron et la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa, la garde des Sceaux Nicole Belloubet et le ministre de la Transition écologique François de Rugy. “Il y a une belle énergie autour de ce texte, se réjouit Maud Petit. Je pense que cette fois-ci, c’est la bonne.”

En 2012, 85% des parents pratiquaient les châtiments corporels

La proposition de loi vise toutes les formes de violences éducatives ordinaires, c’est-à-dire les violences physiques (fessées, gifles, tirer les oreilles ou les cheveux), mais aussi verbales ou psychologiques. “Ce peut être dire à son enfant: ‘Tu es nul’, ‘Tu ne réussis jamais ce que tu fais’ ou ‘Je regrette de t’avoir eu’, détaille la députée. Des propos humiliants ou blessants auxquels on ne pense pas forcément quand on évoque les violences éducatives ordinaires.”

Selon un chiffre fréquemment cité, 85% des parents français pratiquent les châtiments corporels sur leurs enfants, toutes origines et tous niveaux socioculturels confondus. Cette statistique provient de l’étude “Impact en Europe de l’interdiction des châtiments corporels” parue dans la revue Déviance et Société en 2012. “À mon avis, ces chiffres ne sont plus d’actualité aujourd’hui, estime Maud Petit. Il y a une prise de conscience de l’opinion publique sur le sujet.”

Quant au “droit de correction” souvent évoqué pour défendre les châtiments corporels, il n’est en réalité pas juridique, mais jurisprudentiel. “Le droit de correction n’existe pas dans les textes de loi, martèle Maud Petit. Sauf que la Cour de cassation continue de dire que dans certains cas, un coup porté à un enfant peut être porté dans un but éducatif. Mais dans les tribunaux, il est difficile pour un juge de faire la part de l’éducation et de la maltraitance.”

Accompagner les parents pour une éducation sans violence

Face à des violences ancrées dans les pratiques éducatives, comment être efficace sans sanction pénale? “Par l’éducation et l’accompagnement, affirme Maud Petit. Une fois votée, cette proposition de loi permettra de débloquer des soutiens financiers. Des subventions européennes pourront être obtenues pour des campagnes de sensibilisation. Ces campagnes s’adresseront aux parents pour leur dire qu’ils peuvent être accompagnés, leur indiquer les dispositifs qui existent déjà – la Maison de la parentalité, par exemple. Des formations pourront aussi être dispensées aux pédiatres, aux accompagnants, aux magistrats…”

L’ambition du projet de loi n’est pas de pénaliser les parents, explique-t-elle, mais de mettre en avant un mode d’éducation sans violence. La députée est optimiste. “Les standards de l’éducation ont évolué ces dernières années en France. Il fallait peut-être qu’on ait enfin des études faites par les neurosciences pour montrer que la violence n’a aucune vertu éducative. Aujourd’hui, les Français comprennent qu’on peut éduquer un enfant différemment”.

Et la France ne manque pas d’exemples européens auxquels se référer. La Suède a été le premier pays européen à adopter, en 1979, un texte interdisant toute forme de violence vis-à-vis des enfants. “40 ans plus tard, si vous demandez à un petit Suédois ce qu’est une fessée, il ne saura pas répondre, affirme Maud Petit. Et ils ne sont pas moins bien élevés que chez nous!”

“En France, on subit toujours le poids du culturel, regrette la députée. On fonctionne comme on a été élevé, on reproduit sur nos enfants ce qu’on a appris avec nos parents. Mais avec ce texte, on ne pourra plus dire qu’on ne savait pas qu’une alternative était possible.”

Défendre les droits de l’enfant

Au-delà de la question éducative, le projet de loi antifessée revendique de donner aux enfants les mêmes droits qu’aux adultes. “Aujourd’hui, on ne peut pas frapper sa compagne ni son compagnon, on ne peut pas frapper une personne âgée, ni un prisonnier, ni un animal. C’est bien acté, au sein de la société. Pourquoi pourrait-on encore frapper un enfant sous couvert d’éducation? lance Maud Petit. Non, non: un enfant a les mêmes droits qu’un adulte.”

La France a signé en 1989 la Convention internationale des droits de l’enfant, dont l’article 19 l’engageait à adopter un texte clair interdisant les violences éducatives ordinaires. Vingt-neuf ans plus tard, ce texte n’a toujours pas été adopté. La loi antifessée permettrait de s’aligner enfin sur les directives européennes, six mois avant la prochaine échéance électorale.

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