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Quand des écoles profitent des rêves d’apprentis pilotes

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Quand des écoles profitent des rêves d’apprentis pilotes

La faillite d’une des principales écoles de formation de pilotes de ligne constitue un choc pour la profession mais révèle aussi un système de formations privées usant parfois de méthodes douteuses pour tirer profit de la passion qui anime les apprentis pilotes.

Après la faillite d’Airways College, installée à Agen, ils sont 217 élèves à se retrouver sur le carreau, sans les qualifications nécessaires pour piloter un avion et lourdement endettés, puisqu’une formation de ce genre coûte autour de 100.000 euros en moyenne.

Benjamin Sauvée est de ceux-là. Il a emprunté 120.000 euros en août 2019 pour payer l’école. Il doit commencer à rembourser à partir d’août prochain, pour des mensualités s’élevant à 1.300 euros sur dix ans. Quand l’école a été placée en liquidation judiciaire le 29 avril dernier en raison d’un passif de 17 millions d’euros, il lui restait encore quatre mois de formation à effectuer.

Avec certains camarades, il se démène maintenant auprès des pouvoirs publics pour sauver ce qui peut l’être et au moins obtenir ce pour quoi il a payé. Lui s’estime presque chanceux dans son malheur.

“Certains ont versé l’argent et n’ont jamais touché un avion. D’autres encore n’avaient même pas mis un pied à l’école”, détaille-t-il.

A 18 ou 19 ans, certains se retrouvent endettés jusqu’au cou, avec les parents souvent garants et le bac pour seul diplôme.

– Vendre “du rêve” –

Bernard Garineau a dirigé Airways College de 2007 à 2015. Il rappelle qu’à son époque, les élèves n’avançaient jamais les frais d’inscription mais payaient au fur et à mesure, à la semaine.

Pour lui, qui dit avoir démissionné pour des divergences de vue avec le nouveau propriétaire Jérôme Binachon, ce dernier “a vendu du rêve, tout simplement”. Contacté, M. Binachon n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP.

“Commencer sur le marché du travail avec un prêt de 100.000 euros sur la tête, c’est difficile”, avance un ancien élève sorti d’Airways il y a une dizaine d’années et qui préfère rester anonyme. Dans sa promotion, seules six personnes sur une vingtaine ont trouvé du travail directement en sortant.

Demander aux élèves d’avancer les frais, faire miroiter un emploi quasiment assuré… Autant de pratiques “loin d’être marginales” dans le milieu des écoles de pilotes, affirme Bernard Garineau.

“Les écoles affichent des partenariats avec des compagnies aériennes, mais c’est complètement illusoire. On embauche s’il y a des besoins, il n’y a rien d’établi, au mieux on vous garantit que votre CV sera examiné, et encore”, décrit cet ancien militaire.

“La clientèle (des écoles) est jeune, passionnée, ce sont des gens influençables”, explique Thierry Auriol, du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), qui appelle régulièrement à se méfier de certaines formations privées.

– “Pratiques choquantes” –

Pilote, “c’est un métier où on est à 15% de chômage et ce de manière résiduelle”, explique-t-il. Encore plus actuellement où, en raison de la pandémie, “des pilotes français sans emploi avec des qualifications et des heures de vol longues comme le bras, il y en a des centaines”.

“Le SNPL a toujours encouragé les candidats à faire extrêmement attention car le rêve est là, mais pas la garantie de l’atteindre”, assure M. Auriol.

Airways College avait des “pratiques choquantes, comme beaucoup d’écoles”, affirme-t-il. L’école avait par exemple lancé un concours qui a indigné les élèves comme les professionnels du secteur. Il prévoyait de sélectionner douze candidats dont la formation, d’une valeur de 200.000 euros, serait entièrement offerte. Pour cela, il fallait présenter une vidéo, un dessin, une chanson pour faire “rayonner votre motivation” sans aucune compétence nécessaire en mathématiques et physique.

Une aberration économique pour beaucoup d’élèves ou d’anciens. “Ca nous semblait aussi très critiquable sur la façon de faire du recrutement”, avance Thierry Auriol.

Airways College a jusqu’au 1er juin pour trouver un repreneur. Ce dernier devra accepter de passer l’éponge sur huit millions d’euros de frais de formation déjà versés par les élèves, qui sont en attente d’obtenir ce pour quoi ils ont payé.

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