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Rome réclame au Brésil Cesare Battisti, symbole des “années de plomb”

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Rome réclame au Brésil Cesare Battisti, symbole des “années de plomb”

L’interpellation mercredi au Brésil de Cesare Battisti est un nouvel épisode du feuilleton diplomatico-judiciaire opposant l’Italie, qui réclame depuis 25 ans son extradition, et ce militant d’extrême gauche symbole des “années de plomb” condamné à perpétuité pour meurtre.

“Aujourd’hui nous travaillons avec l’ambassadeur (italien au Brésil Antonio) Bernardini pour ramener Battisti en Italie et le remettre à la justice. Nous continuons à travailler avec les autorités brésiliennes”, a déclaré jeudi le ministre italien des Affaires étrangères Angelino Alfano.

Une réaction italienne qui succède à une longue série de demandes d’extradition de Cesare Battisti, condamné en 1993 par contumace en Italie à la perpétuité pour “deux homicides aggravés”, commis en 1978 et en 1979, et pour complicité de meurtres.

La dernière demande remonte au 25 septembre et, selon les médias italiens, le président brésilien Michel Temer s’y est montré favorable, ce qui aurait pu motiver la tentative de fuite de Battisti vers la Bolivie.

Aujourd’hui âgé de 62 ans, l’ex-activiste été interpellé mercredi dans la ville brésilienne de Corumba, à la frontière bolivienne, en possession d’une forte somme d’argent. Au Brésil, il est interdit de transporter hors du pays des sommes supérieures à 10.000 réais (environ 2.700 euros) non déclarées au préalable.

Jeudi, il devait être présenté à un juge qui devrait se prononcer sur son maintien en détention ou sa remise en liberté, selon un conseiller auprès de la police à Corumba.

Ancien responsable du mouvement des “Prolétaires armés pour le communisme” (PAC), celui qui s’est toujours dit innocent des crimes dont on l’accuse, tout en portant “un regard critique sur son passé sans se repentir”, a connu une vie de cavale, entrecoupée de séjours en prisons.

“Prétendre changer la société avec des armes, c’est une connerie. Mais enfin! A l’époque, tout le monde avait des flingues! Il y avait des guérilleros dans le monde entier. L’Italie vivait une situation prérévolutionnaire”, assurait-il en 2011, dans une de ses rares interviews accordées à la presse

– ‘Doctrine Mitterrand’ –

En juin 1979, il est arrêté à Milan dans le cadre de l’enquête sur l’un des homicides, puis condamné deux ans plus tard à douze ans de prison pour “participation à bande armée” et “recel d’armes”. Mais il parvient à s’évader de la prison de Frosinone, près de Rome, et à gagner la France, le Mexique, puis à nouveau la France.

Il trouvera refuge près de 15 ans de l’autre côté des Alpes, bénéficiant de l’engagement du président socialiste François Mitterrand à n’extrader aucun militant d’extrême gauche renonçant à la lutte armée. Une prise de position entrée dans l’histoire sous le nom de “Doctrine Mitterrand”.

Reconverti dans l’écriture de romans policiers, et gardien d’immeuble pour assurer ses fins de mois, Battisti quitte la France en 2004 face à la perspective d’une extradition vers l’Italie à laquelle le président Jacques Chirac s’est montré favorable.

Bénéficiant alors du soutien de personnalités et d’intellectuels dont la romancière Fred Vargas, le philosophe Bernard-Henri Lévy ou encore l’abbé Pierre, il s’enfuit au Brésil sous une fausse identité et avec, selon lui, l’aide des services secrets français.

Il vit trois années de clandestinité avant d’être arrêté à Rio en 2007 et écroué dans l’attente d’une décision définitive sur son sort. La justice de son pays réclame son extradition. Lui observe une grève de la faim, affirmant préférer “mourir au Brésil plutôt que de retourner en Italie” où, selon lui, sa vie est menacée.

Deux ans plus tard, la Cour suprême brésilienne autorise son extradition mais laisse la décision finale au président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva.

Au dernier jour de son mandat le 31 décembre 2010, ce dernier refuse d’extrader Battisti vers l’Italie, déclenchant la colère de Rome.

Incarcéré pendant quatre ans près de Brasilia, il a été libéré le 9 juin 2011.

“Ce que je veux? disait-il à l’époque. Une réconciliation avec le peuple italien. Il faut une amnistie, d’autres pays y ont bien réussi”. En attendant un improbable repos, lui se disait en 2012 “traumatisé” de ne plus pouvoir écrire dans sa langue maternelle, qui peu à peu lui a échappé.

Cesare Battisti a épousé en 2015 une Brésilienne dans l’Etat de Sao Paulo.

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