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Serge Sarkissian, un président arménien à “l’autoritarisme mou”

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Serge Sarkissian, un président arménien à “l’autoritarisme mou”

Serge Sarkissian, contraint lundi à la démission après 11 jours de manifestations en Arménie, a été président de 2008 à mars 2018 avant de devenir Premier ministre, ce que ses opposants voyaient comme un moyen de rester au pouvoir éternellement.

Âgé de 63 ans, Serge Sarkissian joue un rôle de premier plan dans la politique arménienne depuis l’indépendance du pays en 1991. Militaire, il s’illustre d’abord dans la guerre du Nagorny-Karabakh entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, qui a fait près de 30.000 morts au début des années 1990 et lui vaut aujourd’hui encore une grande part de son aura.

“Il a joué un rôle énorme dans la guerre au Nagorny-Karabakh et dans le processus de négociation”, souligne l’analyste Tatoul Akobian, qui rappelle que l’homme de guerre, chef des forces d’autodéfense de cette région séparatiste, avait su se muer en faiseur de paix et “appelé courageusement à faire les compromis nécessaires” pour un arrêt des combats.

Serge Sarkissian a occupé presque tous les postes qui comptent au sein du pouvoir arménien, parfois simultanément: ministre de l’Intérieur et de la Sécurité nationale, chef du Conseil de sécurité national, ministre de la Défense de 200 à 2007, puis Premier ministre avant enfin d’accéder à la fonction suprême, le 19 février 2008.

“Il a une expérience énorme en matière de politique intérieure et sur la question du Nagorny-Karabakh”, territoire encore aujourd’hui disputé par Bakou et Erevan où des affrontements éclatent régulièrement, affirme le sociologue Guevorg Pogossian.

Sur la scène internationale, Serge Sarkissian s’est rapproché de la Russie, qui dispose d’une base militaire en Arménie, sans pour autant couper les liens avec l’Union européenne ou les Etats-Unis. Une politique nécessaire alors que l’Arménie, pays de trois millions d’habitants, a une diaspora forte de 8 à 10 millions de personnes.

“Il a été capable de maintenir un équilibre entre l’Europe et la Russie, ce qui est unique dans l’espace post-soviétique”, reprend Guevorg Pogossian.

– Taux de pauvreté inchangé –

Mais le bilan domestique est beaucoup plus mitigé. Depuis son arrivée au pouvoir, la corruption dans la police et la justice n’est guère combattue, le pays est maintenu sous une coupe serrée et la situation économique est préoccupante.

Le taux de pauvreté en Arménie était de 29,8% en 2016 contre 27,6% en 2008 selon la Banque mondiale et le Revenu national brut (RNB) par habitant stagne aujourd?hui à 3.770 dollars, le même chiffre qu’il y a dix ans.

Toutes les élections sous le règne du président Sarkissian ont été accompagnées de mouvements de protestation, rappellent d’ailleurs les experts. En février 2008, après sa première élection au poste de président, des manifestations durement réprimées avaient fait dix morts, dont deux policiers.

Un des leaders de l’opposition était alors Nikol Pachinian, contraint de prendre la fuite et de se cacher après la répression du mouvement. En avril 2018, c’est lui qui a de nouveau mené la protestation, cette fois victorieuse, contre son vieil adversaire Serge Sarkissian.

La personnalité de ce père de deux filles, professeur de musique de formation qui est également président de la Fédération arménienne d’échecs, ne contribue pas à sa popularité: Serge Sarkissian a souvent l’image d’un homme froid, calculateur et d’humeur maussade.

“C’est un bon joueur, mais c’est un très mauvais dirigeant (…) C’est un leader de type autoritaire, mais d’un autoritarisme mou”, juge Tatoul Akobian.

“Sarkissian a enfreint une règle politique de notre pays: les précédents présidents ont quitté le pouvoir en temps et en heure et lui aussi avait promis de le faire”, rappelle Guevorg Pogossian.

Les manifestants qui défilaient depuis dix jours dans les rues d’Erevan et des grandes villes du pays lui ont rappelé cette promesse.

Mais malgré cette démission spectaculaire, Serge Sarkissian, dont le Parti républicain d’Arménie est majoritaire au Parlement, n’a pas forcément quitté la scène politique de son pays.

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