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Soudan du Sud: un cessez-le-feu qui s’annonce très précaire

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Soudan du Sud: un cessez-le-feu qui s’annonce très précaire

Le gouvernement et les principaux groupes rebelles au Soudan du Sud ont signé jeudi un cessez-le-feu, mais leurs dernières opérations militaires en plein milieu des négociations à Addis Abeba, laissent par avance planer le doute sur sa solidité.

Le gouvernement du président Salva Kiir (SPLM/A) et le principal mouvement d’opposition, le SPLM/A-IO de l’ancien vice-président Riek Machar, ainsi que six autres groupes rebelles armés, ont signé ce cessez-le-feu, qui entrera en vigueur le 24 décembre.

Il a été conclu après quatre jours de négociations à Addis Abeba placées sous l’égide de l’autorité régionale Igad. Il est perçu comme le moyen de relancer un processus de paix au point mort depuis un an et demi.

Mais l’historique des nombreux cessez-le-feu qui ont jalonné cette guerre civile, déclenchée en décembre 2013 et qui a fait des dizaines de milliers de morts, n’incite pas à l’optimisme. Pas plus que les mouvements militaires des derniers jours.

Dimanche, les troupes du président Kiir ont attaqué la ville de Lasu, dans la région de l?Équateur (sud), qui servait de quartier général pour le SPLM/A-IO.

“Ils sont arrivés dans des véhicules armés de mitrailleuses”, a expliqué à l’AFP au téléphone le porte-parole adjoint du SPLM/A-IO, Lam Paul Gabriel. Selon lui, les combats ont duré plusieurs heures, jusqu’à ce que les rebelles se retirent de Lasu lundi matin.

L’armée gouvernementale (SPLA), qui ne voulait pas donner l’impression de perturber les négociations en Ethiopie, a nié avoir mené une offensive, affirmant que la ville était déjà sous son contrôle et qu’elle n’avait fait que défendre ses positions.

Mais un rapport gouvernemental publié ces derniers jours confirme que Lasu était jusqu’à présent en territoire rebelle.

Mardi, des dizaines de civils qui avaient dû fuir ces combats ont traversé la frontière avec la RDC, pour se rassembler aux abords de la ville d’Aba.

“Ces soldats du gouvernement venait de Yei (ville située à environ 150 km au sud-ouest de la capitale sud-soudanaise Juba, ndlr), et ils tiraient et tuaient les gens. C’est ce qui nous a fait venir ici”, a expliqué à l’AFP l’un d’eux, James Mana.

Les autorités congolaises ont enregistré plus de 200 réfugiés depuis dimanche. Ces nouvelles violences, au moment même où commençaient les négociations d’Addis Abeba, augurent mal de l’avenir d’un nouveau cessez-le-feu et de l’accord de paix d’août 2015.

– Guère d’illusions –

Cet accord, obtenu sous la supervision de l’Igad, avait conduit au retour à Juba de M. Machar. Mais il s’était effondré en juillet 2016 quand de violents combats dans la capitale avaient opposé forces gouvernementales et rebelles, forçant M. Machar – aujourd’hui exilé en Afrique du Sud – à fuir le pays.

L’opposition s’était ensuite divisée, une petite faction autour de Taban Deng, nommé vice-président, acceptant de travailler avec le gouvernement, pendant que le reste du SPLM/A-IO reprenait le combat.

Longtemps relativement épargné par les violences, l?Équateur est depuis un an l’un des principaux points de friction. Plus d’un million de Sud-Soudanais ont fui vers l’Ouganda voisin.

Malgré la signature de ce cessez-le-feu, les civils qui ont fui ces dernières violences ne se font guère d’illusions sur la réalité du processus de paix.

“Je ne suis pas sûr que le gouvernement veuille la paix. Sinon, pourquoi ont-ils attaqué Lasu, nous forçant encore à nous enfuir avec nos enfants?”, se demande Betty Moriba, 28 ans, une mère de cinq enfants.

Nombre d’observateurs doutent aussi de la volonté du gouvernement, en position de force sur le terrain, de faire de réelles concessions.

“Le régime n’est clairement pas décidé à négocier ou à faire des compromis et est le principal obstacle à la paix”, affirme Payton Knopf, membre du centre américain Institute for Peace et ancien coordinateur du groupe d’experts de l’ONU sur le Soudan du Sud.

Les ONG accusent les forces gouvernementales d’exactions massives sur les civils en Equateur. Mais ces derniers mois, la rébellion aussi s’est vu reprocher de nombreux abus par la population et elle ne jouit plus du même soutien.

Pour la rébellion, la perte de Lasu est un nouveau revers militaire. Mais elle affirme être prête à reprendre la ville, en dépit de la signature du cessez-le-feu.

“Nous voulons que le gouvernement se retire des zones dans lesquelles il est entré ces derniers jours. D’une manière ou d’une autre, nous reprendrons Lasu”, a promis Lam Paul Gabriel.

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