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Sur les traces des triades pour explorer le passé trouble de Singapour

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Sur les traces des triades pour explorer le passé trouble de Singapour
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Dans ce qui est aujourd’hui le quartier financier de Singapour, un ancien membre des triades montre l’emplacement des anciennes fumeries d’opium et des maisons closes, au cours d’une visite à travers le passé trouble de la cité-Etat.

Ce pays ultramoderne d’Asie du Sud-Est, où le taux de criminalité est aujourd’hui l’un des plus bas du monde, était il y a quelques décennies un port louche où des gangs s’affrontaient pour les trafics les plus lucratifs.

“Le siège du plus gros gang de Singapour était ici”, explique Bruce Mathieu, le guide, dans une rue tranquille bordée de bâtiments de l’époque coloniale, où s’alignent des restaurants et un salon de coiffure.

Il se souvient s’être promené dans ce quartier quand il était enfant dans les années 1970 parmi les vendeurs de nourriture de rue, les salles de jeu et l’odeur caractéristique de l’opium qui imprégnait la rue depuis les fumeries des étages supérieurs.

Les gangs singapouriens viennent des “sociétés secrètes” formées par les migrants chinois qui ont afflué à Singapour quand l’île est devenu un comptoir britannique dans les années 1800.

Cette vague d’immigration chinoise a rapidement fait augmenter la population et ses descendants forment maintenant la majeure partie de la population de Singapour.

Ces sociétés jouaient un rôle important pour fournir aux arrivants un réseau, les aider à trouver un emploi et une protection.

“Quand les sociétés secrètes ou triades se sont implantées dans les années 1800, c’était plus une question de survie qu’autre chose”, relève le guide.

Les migrants chinois “devaient s’affilier à ces sociétés secrètes parce que s’ils ne le faisaient pas, ils auraient été brutalisés, volés ou même tués, c’était la réalité”.

Mais ces organisations, qui avaient “un rôle important dans la vie quotidienne” des nouveaux arrivants étaient aussi associées au trafic d’êtres humains, à la prostitution, aux kidnappings, au commerce de l’opium et aux soulèvements violents, relève Jean Abshire, un chercheur américain qui a écrit une “Histoire de Singapour”.

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Malgré leur nom, ces sociétés étaient loin d’être secrètes. Fin 1889, dix d’entre elles étaient enregistrées avec un total de 68.000 membres, selon les données du Bureau national du patrimoine singapourien.

– Passé criminel –

A partir de la fin du 19ème siècle, les gangs sont réprimés, et en 1958 une nouvelle loi permet aux autorités d’incarcérer des criminels présumés sans procès. Ces campagnes vont diminuer l’influence des gangs et rétablir la légalité.

Après son indépendance en 1965, Singapour s’est radicalement transformé pour devenir un pays riche et un important centre financier.

Certains gangs subsistent toujours mais à une échelle beaucoup plus modeste.

Pendant la visite guidée, Bruce Mathieu, un Singapourien dont la mère est locale et le père d’origine française, raconte aussi son passé criminel et son addiction à la drogue.

Cet ancien membre d’un gang a passé une vingtaine d’années en prison pour possession de drogue, cambriolage, agressions, attaque à l’arme blanche, vol et usage de faux. Singapour pratiquant toujours les punitions corporelles, il a aussi écopé de 21 coups de canne.

– Machette sur le cou –

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Son récit du premier affrontement entre gangs qu’il a vu à 12 ans, fait frémir le groupe de visiteurs: il raconte avoir essayé d’arrêter les saignements d’un ami blessé au couteau avec son T-shirt.

Discret sur les activités de son gang, l’homme de 51 ans décrit en détail les rituels d’initiation.

“Je me suis accroupi, et un gars a placé sa machette sur mon cou. A tout moment, si j’étais devenu nerveux et avais mal récité mon serment de loyauté (…) la machette serait tombée, je ne plaisante pas”.

Il a renoncé au crime et à la drogue lors de son dernier séjour en prison pour devenir conférencier et guide les “parcours des triades”, des visites organisées par une ONG pour venir en aide aux anciens détenus.

“Ce que j’ai préféré en fait, c’est la conversation avec Bruce”, indique Gabriel Neo, un banquier de 31 ans après la visite.

“La façon dont il a réussi à rebondir dans la vie après avoir atteint le fond (…) c’est une leçon précieuse qui peut nous servir”.