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“Tabassages” et manque de moyens: un journaliste raconte deux ans d’infiltration dans la police

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“Tabassages” et manque de moyens: un journaliste raconte deux ans d’infiltration dans la police

Violences, insultes racistes et homophobes mais aussi manque de moyens, suicide et mal-être des troupes : dans un livre à paraître jeudi (“Flic”, éd. Goutte d’or), un journaliste raconte ses deux années mouvementées d’infiltration dans la police parisienne.

Spécialiste des infiltrations, Valentin Gendrot a voulu explorer une institution “clivante” en utilisant cette méthode controversée, objet d’un débat récurrent chez les journalistes. “Ca fait bouger les lignes”, justifie l’auteur de 32 ans.

Ouvrier à la chaîne ou salarié de Lidl : il a déjà raconté ses six précédentes infiltrations dans un livre sous pseudo (“Les enchaînés”, Ed. Les Arènes) et un documentaire sur France 2.

Sa plongée clandestine dans la police commence en septembre 2017. Sous son vrai nom, il intègre l’École nationale de police de Saint-Malo, en sort “adjoint de sécurité” –le plus bas grade hiérarchique– puis est affecté un an à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris.

Il décroche ensuite le poste qu’il visait: le commissariat du XIXe arrondissement de Paris, quartier populaire de la capitale. Il y officie entre mars et août 2019 au moment où la mobilisation des “gilets jaunes” nourrit les accusations de violences policières.

Dans un entretien à l’AFP, il raconte son premier jour, “complètement stupéfait” : la mise en service de son arme est chaotique, il voit “un policier frapper un gardé à vue” trop bruyant, tandis qu’une femme est éconduite alors qu’elle vient déposer une main courante après des “menaces de mort” de son mari.

Passage le plus explosif de son livre, Valentin Gendrot assure également avoir assisté à une “bavure” commise par un collègue et que lui-même a couverte avec d’autres policiers.

Ce jour-là, sa patrouille est appelée par un voisin se plaignant de jeunes écoutant de la musique au pied d’un immeuble.

Selon son récit, le contrôle dégénère quand un des policiers “tapote” la joue d’un adolescent qui, en réponse, provoque le fonctionnaire: “Je te prends en un contre un”.

Le policier met une première “baffe” au jeune homme qui réplique verbalement. Le policier “dégoupille” alors : “Une claque, puis deux, puis trois, peut-être quatre ou cinq”, affirme le journaliste.

Il “se déchaîne” ensuite à “coups de poings” et d’insultes sur l’adolescent, qui est alors embarqué au commissariat pour vérification d’identité, raconte-t-il sans détailler dans son livre la gravité de ces blessures.

Les deux portent plainte : le policier pour outrage et menaces, l’adolescent pour violences.

Un PV “mensonger” est alors rédigé pour “charger le gamin et absoudre” le policier, affirme M. Gendrot qui incriminera lui aussi l’adolescent lors d’une enquête interne.

“La police est un clan” et “celui qui dénonce, un traître”, justifie Valentin Gendrot. En s’accusant d’avoir couvert son collègue, le journaliste explique à l’AFP avoir voulu contribuer à “dénoncer mille autres bavures de ce type”, même si “ça a été une décision extrêmement compliquée à prendre”.

— Pas un livre “anti-flic” —

Son livre évoque aussi nombre de ferments de la grogne au long cours des personnels: voitures et locaux hors d’âge, suicide d’un collègue et hostilité de la population (un gardé à vue les invite ouvertement à se suicider), salaire de 1.340€ mensuels nets à Paris.

Il s’inquiète aussi que “n’importe qui (puisse) devenir flic” : son statut de journaliste n’a jamais été découvert et sa formation de trois mois est selon lui lacunaire, “low cost” selon le mot d’un instructeur.

Devançant d’éventuelles critiques, il souligne que son travail n’est “pas anti-flic” mais aborde les “grands tabous de la police”.

“C’est aussi dans leur intérêt qu’on parle des violences policières”, “toujours le fait d’une minorité”, dit-il ainsi. D’après lui, “la majorité” de ces fonctionnaires “paie la mauvaise réputation et le climat de tension effroyable qu’il y a entre les habitants et la police.”

Valentin Gendrot concède toutefois sa “peur” des réactions que son livre pourrait susciter dans la police mais se dit prêt à contre-attaquer.

“Tout est vrai”, certifie-t-il, assurant disposer de “documents” et de “preuves”.

Contactée, la préfecture de police n’était pas en mesure de répondre dans l’immédiat aux accusations portées dans ce livre, qui était soumis à un embargo jusqu’à jeudi matin.

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