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Un des chefs talibans de retour en Afghanistan, la vie reprend dans la crainte à Kaboul

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Un des chefs talibans de retour en Afghanistan, la vie reprend dans la crainte à Kaboul
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Le cofondateur des talibans, le mollah Abdul Ghani Baradar, est rentré mardi en Afghanistan à peine deux jours après la prise du pouvoir, les nouveaux maîtres du pays assurant que leurs adversaires seraient pardonnés et que les femmes seraient respectées selon “les principes de l’islam”.

Face à ce discours apaisant plusieurs pays, dont la Chine et la Russie, qui n’ont pas fermé leurs ambassades, ont indiqué leur volonté de normaliser les relations avec les nouveaux maîtres du pays.

Lors de leur première conférence de presse dans la capitale conquise, les talibans ont assuré que la guerre était terminée et que tous leurs adversaires seraient pardonnés.

“La guerre est terminée (…le leader des talibans) a pardonné tout le monde”, a déclaré leur porte-parole Zabihullah Mujahid. “Nous nous engageons à laisser les femmes travailler dans le respect des principes de l’islam”.

Ils avaient auparavant annoncé une “amnistie générale” pour tous les fonctionnaires d’État, appelant chacun à reprendre ses “habitudes de vie en pleine confiance”.

Dans une interview à la chaîne Sky News, Suhail Shaheen, porte-parole du bureau politique des talibans à Doha, a quant à lui assuré que le port de la burqa, un voile intégral, ne serait pas obligatoire pour les femmes car “il existe différents types de voile”.

Le mollah Abdul Ghani Baradar, co-fondateur et numéro deux des talibans, qui dirigeait depuis le Qatar le bureau politique du mouvement, est rentré dans le pays où il devrait être appelé à de hautes fonctions.

“Une délégation de haut niveau menée par le mollah Baradar a quitté le Qatar et atteint notre pays tant aimé cet après-midi et atterri à l’aéroport de Kandahar”, dans le sud de l’Afghanistan, a déclaré sur Twitter un porte-parole des talibans.

A Kaboul, des magasins ont rouvert, le trafic automobile a repris et des policiers faisaient la circulation, les talibans tenant des postes de contrôle.

Un responsable taliban a accordé une interview à une journaliste d’une chaîne d’informations, tandis qu’une école de filles a rouvert à Hérat (ouest).

Mais des signes montraient que la vie ne serait plus celle d’hier. Les hommes ont troqué leurs vêtements occidentaux pour le shalwar kameez, l’ample habit traditionnel afghan, et la télévision d’État diffuse désormais essentiellement des programmes islamiques.

Les écoles et universités de la capitale restent fermées, et peu de femmes osaient se risquer dehors, même si quelques-unes se sont brièvement rassemblées devant l’entrée de la “zone verte” pour demander le droit de retourner y travailler. Des talibans ont tenté en vain de les disperser avant qu’elles se laissent convaincre par des civils de partir.

Depuis qu’ils sont entrés dans la ville dimanche, après une fulgurante offensive leur ayant permis en dix jours de contrôler quasiment tout le pays, les talibans ont multiplié les gestes d’apaisement à l’égard de la population.

Mais pour nombre d’Afghans, la confiance sera dure à gagner. Du temps où ils étaient au pouvoir (1996-2001), les talibans avaient imposé une version ultra-rigoriste de la loi islamique. Les femmes ne pouvaient ni travailler ni étudier, et voleurs et meurtriers encouraient de terribles châtiments.

“Les gens ont peur de l’inconnu”, confie un commerçant de Kaboul. “Les talibans patrouillent la ville en petits convois. Ils n’importunent personne, mais bien sûr les gens ont peur”.

Malgré les assurances des talibans, certaines informations semblaient suggérer qu’ils continuaient à rechercher des responsables gouvernementaux, un témoin racontant que des islamistes étaient entrés dans la maison d’un de ces officiels pour l’emmener de force.

Face à “la détérioration rapide de la situation en matière de sécurité et de droits humains” et “à la situation d’urgence humanitaire”, le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) a demandé que soient interdits les renvois forcés d’Afghans vers leur pays.

– Biden “ne regrette pas” –

Très critiqué, le président américain Joe Biden a défendu bec et ongles la décision de retirer les troupes américaines du pays, malgré les scènes de détresse lundi à l’aéroport de Kaboul, où des milliers de personnes ont tenté de fuir.

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“Je suis profondément attristé par la situation, mais je ne regrette pas” la décision de retirer les forces américaines d’Afghanistan, a déclaré M. Biden.

Les talibans sont entrés dimanche dans Kaboul sans faire couler le sang. Mais leur triomphe a déclenché une panique monstre à l’aéroport de Kaboul. Une marée humaine s’est précipitée lundi vers ce qui est la seule porte de sortie de l’Afghanistan, semant la panique sur les pistes.

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Washington a envoyé 6.000 militaires pour sécuriser l’aéroport et faire partir quelque 30.000 Américains et civils afghans ayant coopéré avec les États-Unis qui craignent pour leur vie.

De Madrid à La Haye, en passant par Paris, Bucarest et Londres, plusieurs autres pays s’activaient également mardi pour rapatrier leurs ressortissants.

– Moscou voit du “positif” –

Les 45 premiers exfiltrés de Kaboul par la France sont arrivés dans l’après-midi à Paris.

L’Espagne envoie deux avions militaires, la Suède a déjà rapatrié l’ensemble de son personnel diplomatique, tandis que le Danemark a déployé “une capacité supplémentaire d’avions militaires” pour “l’évacuation d’Afghanistan”.

Si l’évacuation des étrangers semble se poursuivre sans problème, l’Allemagne a indiqué que les barrages déployés par les talibans tout autour de l’aéroport pourraient rendre difficile le départ des ressortissants afghans ayant des visas pour quitter le pays.

“En bouclant l’aéroport, les talibans permettent aux forces internationales d’établir un trafic aérien ordonné pour évacuer leurs ressortissants. Dans le même temps cependant, la fermeture de l’aéroport rend difficile l’évacuation des ressortissants afghans”, indique le ministère allemand de la Défense dans un rapport.

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Les États-Unis pourraient reconnaître un gouvernement taliban s’il “préserve les droits fondamentaux de son peuple (…) y compris de la moitié de sa population – ses femmes et ses filles”, et qu’il “n’offre pas de refuge aux terroristes”, a indiqué le porte-parole du département d’État, Ned Price.

L’UE “devra parler” aux talibans “aussi vite que nécessaire”, car ces derniers “ont gagné la guerre” en Afghanistan, a quant à lui déclaré Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne.

La Chine, première à dire lundi vouloir entretenir des “relations amicales” avec les talibans, a fustigé mardi la “terrible pagaille” laissée par les Etats-Unis, qui partout, en Irak, en Syrie et en Afghanistan, laissent “des troubles, des divisions, des familles dévastées et décimées”.

La Russie, dont l’ambassadeur devrait être le premier contact diplomatique du nouveau régime, a estimé mardi que les assurances des talibans en matière de liberté d’opinion sont un “signal positif” et dit souhaiter le lancement d’un “dialogue national (…) avec la participation de toutes les forces politiques, ethniques et confessionnelles” d’Afghanistan.

La Turquie a aussi salué les “messages positifs” des talibans, et l’Iran a fait des gestes d’ouverture.

Mais pour le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), des crimes et des exécutions en guise de représailles ont été commis dans le pays, qui pourraient relever de violations du droit international humanitaire.