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Un Nobel pour une méthode dévoilant l’architecture des molécules

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Un Nobel pour une méthode dévoilant l’architecture des molécules

Mieux étudier virus et bactéries, analyser plus finement la façon dont les médicaments agissent dans notre corps : la cryo-microscopie électronique, célébrée mercredi par le prix Nobel de Chimie, révolutionne notre compréhension du fonctionnement de la vie à l’échelle moléculaire.

“La mise au point de cette méthodologie permet de voir ce qui était invisible jusqu’à maintenant. Désormais, nous sommes capables de comprendre l’architecture moléculaire des machines qui composent le vivant”, déclare à l’AFP Rémy Fronzes, chercheur CNRS à l’Institut Européen de Chimie et Biologie à Bordeaux.

Quelle est cette technique ?

La cryo-microscopie électronique “permet de faire des images en trois dimensions des molécules du vivant telles que les protéines”, explique Martin Weik, chercheur CEA à l’Institut de biologie structurale de Grenoble.

Inventée dans les années 1930, la microscopie électronique ou l’utilisation d’un faisceau de particules d’électrons pour visualiser des objets tout petits est longtemps restée inadapté aux molécules du vivant.

“Si on irradie une protéine avec des électrons, elle explose”, explique Martin Weik. Pour éviter cela, on doit travailler à basse température (au minimum – 180 degrés Celsius).

Or la présence de cristaux de glace dans un échantillon dévie les électrons et l’image obtenue n’est plus suffisamment précise.

Le Suisse Jacques Dubochet, l’un des trois lauréats du Nobel de cette année, a mis au point une technique qui permet de refroidir un échantillon tellement rapidement que l’eau qu’il contient n’a pas le temps de se transformer en cristaux de glace.

De plus, geler les atomes permet de les rendre “très calmes et de les observer”, explique Andrea Sella, professeur de chimie à l’UCL (University College de Londres).

Les deux autres lauréats ont permis d’obtenir des images en 3D en résolution atomique.

Que permet-elle de voir?

“Ce qui nous intéresse surtout c’est de savoir comment une protéine est faite dans l’espace, quelle est son architecture”, explique Martin Weik.

Une protéine est composée d’acides aminés agencés comme les perles d’un collier. “Ce collier se replie ensuite dans l’espace avec une structure bien particulière, différente pour chaque protéine”, explique Martin Weik.

Notre corps héberge quelques 20.000 types de protéines différents, et donc autant de structures différentes.

La cryo-microscopie électronique permet d’obtenir des images d’une protéine sous de multiples angles. Avec toutes ces images, on peut reconstituer une image en 3D.

Le tout à une échelle de quelques dizaines de nanomètres (un milliardième de mètre).

“Déterminer la structure des protéines chez les humains est essentiel pour comprendre comment elles interagissent dans le corps”, explique John Savill du Medical Research Council.

Pour quoi faire?

Les applications, particulièrement dans la santé, sont nombreuses.

Comprendre comment fonctionne la mécanique moléculaire peut permettre “dans certains cas de mettre le grain de sable au bon endroit pour enrayer” certaines “machines moléculaires qui font fonctionner des bactéries pathogènes et des virus”, souligne Rémy Fronzes, spécialiste de la cryo-microscopie électronique.

Cela peut permettre également de tenter de “réparer des machines cellulaires qui sont déficientes” entraînant des maladies, dit-il.

L’an dernier, la cryo-microscopie électronique a permis de percer la structure intime en 3D de l’enzyme qui contribue à la formation des plaques amyloïdes, lésions cérébrales caractéristiques de la maladie d’Alzheimer. “Connaître cette structure permet d’espérer la mise au point d’un médicament”, estime John Hardy, professeur de neurosciences à UCL.

La technique est également utilisée pour étudier les protéines impliquées dans le cancer.

Le virus du Sida a été très étudié en cryo-microscopie électronique. Et très récemment, ce sont les structures tridimentionnelles du virus Zika et de celui de la dengue qui ont été scrutées.

“Avec cette méthode, on pourrait être capable de prendre le virus sur le fait. On pourrait le voir entrer dans la cellule et s’y loger”, déclare Andrea Sella.

La technique est également très intéressante pour comprendre comment les médicaments entrent dans nos cellules et en sont parfois chassés. “Cela va permettre de fabriquer de meilleurs molécules qui vont agir plus longtemps et mieux”, relève Rémy Fronzes.

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