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La Chine et l’arme du pétrole contre la Corée du Nord

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La Chine et l’arme du pétrole contre la Corée du Nord

Après le lancement par la Corée du Nord d’un énième missile, Washington exige de nouveau de la Chine qu’elle accroisse la pression sur Pyongyang en restreignant notamment ses exportations de pétrole. Cinq questions sur un éventuel embargo de brut et les réticences chinoises.

Pékin a approuvé cette semaine une huitième volée de sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU, prévoyant de limiter les livraisons de brut à destination du régime de Kim Jong-Un, dont il reste le principal allié.

Mais le géant asiatique continue de s’opposer à un embargo pétrolier intégral.

De quels volumes parle-t-on?

Les estimations varient grandement et la Chine n’a plus publié depuis au moins 2014 de chiffres sur ses exportations pétrolières vers la Corée du Nord.

L’Agence d’information sur l’énergie (EIA) des Etats-Unis estime que le pays consommait l’an dernier 15.000 barils de brut par jour, l’essentiel provenant de Chine et alimentant l’unique raffinerie du pays. Soit moins d’un millième de la consommation d’un pays comme la France…

Où va le pétrole?

Les livraisons chinoises passent par “l’oléoduc sino-nord-coréen”, une conduite de 30 km partant de la ville frontalière de Dandong. Le géant énergétique chinois CNPC avait indiqué en 2015 que l’oléoduc était alors capable d’acheminer 520.000 tonnes par an.

Une grande partie est utilisée et stockée par l’armée nord-coréenne, notamment pour les besoins de son programme nucléaire et balistique, estime Wang Peng, expert de l’université Fudan à Shanghai.

“Une fois que l’armée et les organes gouvernementaux se sont servis, je ne pense pas que les gens profitent beaucoup” des achats d’or noir, indique-t-il à l’AFP.

Quel effet aurait un embargo?

La priorité donnée à l’armée signifie qu’en cas d’embargo, la consommation des civils serait encore davantage restreinte en faveur des militaires.

“A court terme, un arrêt total des livraisons de pétrole n’affecterait guère les programmes nucléaire et balistique, l’armée ayant ses propres réserves stratégiques”, tandis que la population se trouverait réduite à utiliser le charbon ou le bois comme sources d’énergie, observe Jingdong Yuan, professeur à l’Université de Sydney.

Pour elle, le régime “ne s’effondrerait donc pas soudainement”, mais la situation se compliquerait avec le temps, faute de carburants alternatifs pour les opérations militaires –camions, lanceurs de missiles, avions, explique Mme Yuan.

Au bout du compte, priver de brut le régime de Kim Jong-Un lui serait “fatal”, estime Oh Joon, ancien ambassadeur de Corée du Sud aux Nations unies.

Pourquoi les réticences de Pékin?

La Chine est horrifiée par l’idée d’un effondrement brutal de son voisin, qui pourrait déboucher sur une situation chaotique, un afflux de réfugiés et surtout une réunification de la péninsule sous les auspices des forces militaires américaines.

Or, “si les sanctions se durcissent trop vite, il n’y aura plus guère de chances” d’une résolution de la crise par le dialogue, observe Joost van Deutekom, analyste du cabinet China Policy. Un embargo pourrait néanmoins être appliqué par étapes très progressives, juge-t-il.

Autre facteur possible: Pékin peut redouter la réaction des Nord-coréens. “Il seront très certainement furieux contre la Chine” si elle cesse ses livraisons de brut, insiste Jingdong Yuan.

De quoi nourrir la crainte d’un total renversement géopolitique, abonde l’expert Wang Peng.

Selon lui, en coupant les vivres à son turbulent voisin, la Chine risque de susciter sa colère. Mis au pied du mur, Pyongyang pourrait être tenté de “se tourner vers les Etats-Unis” pour tâcher de s’entendre avec eux, une dynamique qui “changerait complètement la donne en Asie du Nord-Est”.

Un facteur technique?

Autre considération pouvant expliquer la prudence de Pékin: une fois que le flux de pétrole aurait été stoppé, l’oléoduc “sino-nord-coréen” –une infrastructure mise en service en 1975– s’encrassera et pourra difficilement être redémarré, rappelle Wang Peng.

“Selon certains (…) l’oléoduc serait tellement endommagé qu’il serait impossible à réparer”, renchérit M. van Deutekom. Ce qui pourrait pousser la Chine à maintenir ses approvisionnements au moins au niveau nécessaire pour garder le conduit en état.

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