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Les pionnières: Kathrine Switzer, la première marathonienne

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Les pionnières: Kathrine Switzer, la première marathonienne

Elle a marqué l’histoire du sport et son geste a ouvert la route aux marathoniennes. En 1967, Kathrine Switzer a décidé qu’elle serait la première à prendre officiellement le départ de cette course d’un peu plus de 42 km se tenant à Boston. Permettant ainsi aux femmes d’avoir la possibilité de courir comme les hommes.

Faute d’équipe féminine, elle s’entraîne avec les hommes

Née en 1947 en Allemagne, Kathrine Switzer, fille de soldat américain, se passionne pour la course à pied dès l’âge de 12 ans. Dans les années 60, elle est étudiante en journalisme à l’université de Syracuse, dans l’État de New York. Faute d’équipe féminine, elle est contrainte de s’entraîner au cross-country, qu’elle pratique intensément, avec les hommes.

Un beau jour, elle entend parler de Roberta “Bobbi” Gibb, cette femme qui a couru le marathon de Boston, le plus vieux marathon au monde, en 1966 en 3 heures 21 minutes et 25 secondes, mais en catimini, sans avoir été inscrite -elle s’était cachée dans un buisson pour prendre le départ. La jeune femme décide de faire de même mais de manière officielle.

“Je voulais prouver que j’avais de l’endurance”

Kathrine Switzer demande alors à son entraîneur, Arnie Briggs, de courir avec elle le marathon qui doit se tenir en cette année 1967. Dans un premier temps, il refuse, estimant, comme bien d’autres à cette époque, qu’une femme n’en est pas capable et n’a pas l’endurance nécessaire. Certains pensent même que les coureuses pourraient avoir des problèmes de fertilité ou développer des caractéristiques physiques masculines. Aux Jeux olympiques de 1960, la course féminine la plus longue est de 800 mètres.

“Arnie m’a dit qu’aucune femme ne pouvait courir le marathon de Boston, raconte Kathrine Switzer à Radio Canada. Je lui ai alors parlé de Bobbi Gibb, dont j’avais lu l’histoire dans les journaux, mais il ne pouvait pas le croire. Il m’a cependant dit que si je pouvais courir la distance à l’entraînement, il m’aiderait à m’inscrire au marathon de Boston, pourvu que cela soit fait dans les règles.”

À l’entraînement, la jeune femme de 20 ans se montre particulièrement combative et prouve qu’elle peut courir une distance plus longue que les 42 km de la course à laquelle elle souhaite participer. “Je voulais prouver que j’avais de l’endurance, alors j’ai couru cinq miles (1,6 km, NDLR) de plus.” Son entraîneur tient parole.

Enregistrée sous ses initiales

À ce moment-là, le règlement ne stipule pas clairement que les femmes n’ont pas le droit d’en prendre le départ de cette course, bien qu’aucune ne l’ait encore fait. Lors de son inscription, elle prend toute de même une précaution: au lieu de son prénom complet, elle préfère utiliser ses initiales, K. Switzer.

Le jour J, elle s’élance au milieu d’une marée de coureurs. La sportive se trouve au côté de son entraîneur et de son compagnon, un joueur de football américain et lanceur de marteau. Dès les premiers kilomètres, sa présence est remarquée par la presse puis par les organisateurs.

“Tirez-vous de ma course”

Elle est agressée. Le directeur de la course cherche à la retenir. Il essaie d’extraire la jeune femme et tente de lui arracher son dossard en lui criant: “Tirez-vous de ma course et donnez-moi ces numéros!”

“J’ai entendu le bruit de chaussures en cuir derrière moi, j’ai instinctivement tourné la tête et je me suis retrouvée nez à nez avec le regard le plus vicieux possible”, écrira-t-elle dans ses mémoires.

Son entraîneur vient à son aide et tente de raisonner l’organisateur. Puis son compagnon intervient et préfère quant à lui se passer de mots: il éjecte le directeur de la course d’un coup d’épaule. Kathrine Switzer poursuit sa route, hors de question pour elle d’abandonner. Elle doit prouver que les femmes en sont capables. La sportive la termine en 4 heures et 20 minutes.

“Je m’en souviens comme si c’était hier, parce que ça a été un moment phare de ma vie”, expliquera-t-elle plus tard. “Ça a changé ma vie et, du coup, celle de millions de femmes.”

“J’ai reçu beaucoup de courriers haineux”

Les photos de l’incident font le tour du monde et d’elle un symbole. Mais sa performance, bien qu’officielle et accomplie dans les règles, est refusée. Et pour la jeune femme, la peine est double: elle est disqualifiée et suspendue par la fédération américaine d’athlétisme. 

Ce qui fait naître sa seconde vocation: elle se “radicalise”, comme elle le dira. “J’ai reçu beaucoup de courriers haineux, il y a eu beaucoup d’agitation de la part des officiels.” Elle qui n’était pas militante le devient. Kathrine Switzer se lance dans une bataille pour que les femmes aient le droit de courir comme les hommes et qu’un marathon féminin soit affiché au programme des Jeux olympiques, ce qui se produira en 1984.

Le marathon de Boston à 71 ans

Ce n’est que cinq ans plus tard, en 1972, que le droit de prendre le départ du marathon de Boston est officiellement accordé aux femmes. Kathrine Switzer participe alors à cette édition avec sept autres coureuses et termine troisième. Lors du marathon de New York deux ans plus tard, elle décroche la première place.

Au total, la sportive participe à quelque 39 marathons, rapporte-t-elle sur son site. En 2017, cinquante ans après celui de Boston, elle prend à nouveau le départ de cette même course avec le même numéro de dossard -le 261- qu’en 1967. Et cette année, à l’âge de 71 ans, elle achève le marathon de Londres en 4 heures 44 minutes et 49 secondes.

“Donner aux femmes des occasions de ne pas avoir peur”

Après sa carrière d’athlète, Kathrine Switzer devient auteure et journaliste sportive et reçoit un Emmy Award pour son travail de commentatrice. À la tête de sa fondation -261 Fearless- elle organise plus de 400 courses féminines à travers le monde afin de démocratiser le sport féminin et d’en faire un outil de libération.

“Je souhaite donner aux femmes des occasions de ne pas avoir peur. Courir est un affranchissement, qui permet de créer des femmes sans peur. Si la porte s’ouvre, même très légèrement, pour elles, elles pourront passer par l’ouverture”, assure-t-elle.

En 2011, son nom a été inscrit au National Women’s Hall of Fame -qui honore la mémoire des citoyennes américaines- pour avoir œuvré à la reconnaissance des sportives. Aujourd’hui, aux États-Unis, plus de la moitié des participants à des courses de fond sont des participantes.

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