Depuis la révélation d’une vidéo d’un élève menaçant sa professeure avec une arme factice dans un lycée de Créteil, les vannes sont ouvertes. Sur les réseaux sociaux, les enseignants dénoncent, sous le hashtag ironique #pasdevague, la sous-estimation de la violence en milieu scolaire, mise sous le boisseau par de nombreux chefs d’établissements selon leurs témoignages. Depuis 18 heures dimanche, plus de 35.000 tweets ont été publiés sous le hashtag.
Cet élève qui, d’un coup de poing, a fait sauter 2 dents d’une de ses camarades et qui n’a pas été exclu par le conseil de discipline.
C’est elle qui a changé de collège. ??#PasDeVague— Sue Ellen (@ladivadudancing) 21 octobre 2018
#PasDeVague Il y a 8 ans, un élève m’a insultée en me menaçant du poing (un 5e qui faisait 2 têtes de +que moi). Je suis sortie de la classe en tremblant voir la principale. Sa réponse: “vous n’êtes pas assez autoritaire”. J’ai ravalé mes larmes et suis retournée en classe.
— Jennifer (@Jennytinkk) 21 octobre 2018
Quand une surveillante a osé demander à un élève d’arrêter de hurler en permanence, il s’est jeté sur elle l’a rouée de coups et tenté de l’étrangler.
Il a fallu qu’une importante délégation envahisse le bureau de la principale pour obtenir un conseil de discipline #pasdevague— DonaSol (@Dona_Sol) 21 octobre 2018
“C’est vous le problème”
Face aux insultes et à la violence subies, nombre d’enseignants se sentent abandonnés en rase campagne.
“La phrase entendue par tous les profs un jour dans leur carrière, c’est ‘Qu’est-ce que vous avez fait à ce jeune pour qu’il en arrive à ça?'”, résume dans Le Parisien Jean-Rémi Girard, président du Syndicat national des lycées et des collèges.
“On vous fait comprendre que c’est vous le problème, ajoute Jérémy Destenave, enseignant de SVT en Dordogne et membre du Syndicat national des enseignements de second degré (Snes). Et que vous pratiquez mal votre métier si vous subissez ça.”
Beaucoup de professeurs expliquent ces silences par le souci de la réputation des établissements, certains qualifiant l’Éducation nationale d’autre “grande muette” après l’Armée.
“Cacher les incidents sous le tapis, c’est préserver la réputation de l’établissement”, explique Marie-Christine dans Marianne. Malheureusement, ainsi, on donne le pouvoir aux élèves. Et nous ne sommes que plus vulnérables.”
“Il existe une forme d’omerta”, confirme la principale adjointe d’un collège de Seine-Saint-Denis. “Un chef d’établissement n’a rien à gagner à signaler les problèmes de son collège ou de son lycée”.
“Ça passe ou ça casse”
Quand réponses il y a, ce ne sont souvent pas les bonnes, estiment d’autres enseignants: “On a eu systématiquement droit à des mesures sécuritaires”, raconte par exemple une prof du lycée Suger de Saint-Denis (93), théâtre régulier de violences.
“La formation des enseignants a énormément régressé au cours des dernières années”, juge aussi Agnès Renaud, professeure de lettres au lycée Paul-Eluard à Saint-Denis. Or les jeunes profs sont “jetés dans le bain” des collèges difficiles. Ensuite, “ça passe ou ça casse”.
L’indignation suscitée a conduit le gouvernement à promettre un “plan d’actions”. Jean-Michel Blanquer “encourage” l’interdiction du téléphone portable dans les lycées, a-t-il dit au Parisien lundi. Un “comité stratégique” doit se réunir cette semaine pour plancher sur une série de mesures.